Noel EyresPrésentateur de Next Stop
30 mai 2018
Next Stop Mexico partie II
7 minutes
C’est peut-être le verre de mezcal qu’on m’a servi au début du repas (on ne m’a pas laissé le choix, mais cela ne m’a pas dérangé de le boire) qui m’a mis du cœur au ventre, mais je n’avais pas d’appréhension particulière au moment d’attaquer le plat exotique qui se trouvait devant moi. Les escamoles, semblables à de gros grains de riz dans une sauce crémeuse, semblaient plutôt inoffensifs. Mis à part les restes de quelques blocages d’enfance sur certains fruits, je ne recule pas devant de nouvelles expériences culinaires. Lorsque mes collègues mexicains m’ont invité dans un restaurant mexicain traditionnel, j’étais ravi.
Je n’avais encore jamais mangé d’œufs de fourmis et ne savais pas vraiment ce qui m’attendait. Eh bien, cuits dans du beurre, ils ont un petit goût de noix, et c’est délicieux. Mes papilles allaient être gâtées pendant ce voyage, au cours duquel j’ai pu goûter des plats de viande à la sauce chocolat, le mole, de la salade saupoudrée de piments aigres-doux chipotle, des poivrons farcis frits, différents types de haricots et moult pains à base de maïs ou de blé.
Les Mexicains sont, à raison, très fiers de leur gastronomie. Avec pour produits de base les haricots, l’avocat, le piment et la viande mijotée, la cuisine traditionnelle est riche, variée, nourrissante et plutôt équilibrée.
Cependant, la santé des Mexicains se détériore : les maladies non transmissibles représentent 77 % des causes de décès, dont 14 % pour le diabète et 24 % pour les maladies cardiovasculaires. L’obésité tue plus que le tabac, l’alcool ou l’hypertension, et le taux d’obésité des jeunes figure parmi les plus élevés au monde. Avec près de 34 % d’obésité, on s’approche de l’épidémie.
Cette dégradation de la santé s’explique par différents facteurs, dont des modes de vie plus sédentaires et des traditions socioculturelles ou des croyances menant à la suralimentation, mais le véritable coupable est le changement des habitudes alimentaires. Les Mexicains mangent de moins en moins de plats traditionnels cuisinés à partir d’ingrédients frais et de plus en plus de produits du commerce et de restauration rapide, riches en graisses saturées, et boivent aussi beaucoup trop de boissons sucrées.
Les taux d’obésité ont flambé au cours des années 1980 avec le passage à la nourriture industrielle : les accords transnationaux du secteur agroalimentaire, en particulier avec les États-Unis, ont facilité l’accès à des aliments riches en céréales et en sucre. À la même époque, le secteur des boissons non alcoolisées a commencé à asseoir sa présence commerciale dans le pays, avec des usines de production locales et de grandes campagnes de publicité : certaines boissons célèbres sont ainsi devenues moins chères et plus faciles d’accès que l’eau potable.
La nourriture industrielle et les sodas sont non seulement devenus la principale composante du très riche régime alimentaire des Mexicains, mais ils font également partie du tissu social : il n’est pas rare de voir donner à de très jeunes enfants, presque encore des bébés, des sodas sucrés au petit-déjeuner. On en retrouve même dans certaines cérémonies religieuses.
Le manque d’activité physique vient aggraver ce problème. Au Mexique comme ailleurs, les enfants passent beaucoup moins de temps qu’auparavant à brûler les calories excédentaires de ces apports en sucres. Avec les heures passées devant les écrans et l’urbanisation de la société, les enfants marchent moins, et il n’y a souvent pas assez d’endroits comme des parcs ou des terrains de jeux pour qu’ils puissent se dépenser. La sécurité est un autre facteur important : certains parents n’osent même plus laisser sortir leurs enfants, car certains endroits sont tout simplement trop dangereux.
Cet énorme risque en matière de santé n’est pas sans conséquence pour les finances publiques, et par là même diminue la compétitivité et la productivité. Ce problème ne fera que s’aggraver, car les enfants représentent une très grande partie du nombre de personnes en surpoids et ce chiffre ne fait qu’augmenter. Aux taux actuels, les dégâts sur les finances et la santé publique pourraient ne pas être tenables.
Recouvrant 85 hectares et 80 % de la consommation de la ville, le marché Central de Abastos est le principal marché alimentaire de gros et de détail de Mexico, et le plus grand du monde.
Parmi ceux qui souffrent le plus des effets néfastes de la dégradation de la qualité du régime alimentaire sont les diabétiques. L’obésité et le diabète de type 2 sont intrinsèquement liés car une personne obèse a 5 fois plus de chance de souffrir de diabètes de type 2 qu’une personne ayant un poids normal. Il y a actuellement 10 millions de mexicains diagnostiqués comme étant diabétiques et probablement 10 millions d’autres qui qui en souffrent mais n’ont pas encore été diagnostiqués.
Il est encore possible d’inverser cette tendance avec de bonnes politiques, fondées sur de bonnes habitudes alimentaires et de l’exercice physique, mais il est difficile d’interdire ou de modifier des habitudes qui se répandent et s’ancrent très rapidement.
Le Mexique est le premier pays au monde en matière d'obésité chez les adultes
C’est pourquoi, après une journée intense de reportage sur la reconstruction après le tremblement de terre dans l’État d’Oaxaca, dans le sud du pays, je suis remonté dans le petit turbopropulseur qui m’a ramené à Mexico. Je voulais parler avec un collègue d’AXA au Mexique des efforts faits pour trouver une solution au diabète, problème de santé de plus en plus préoccupant pour le pays. J’ai trouvé l’homme de la situation : Santiago Fernandez, EVP General Insurance Health and P&C. Il a commencé par m’expliquer que le diabète était considéré comme un risque non acceptable par toutes les compagnies d’assurance, même pour les maladies qui n’y sont pas directement liées.
En tout cas, pour l’instant.
Fin 2017, AXA Mexico a lancé la première assurance santé pour les diabétiques. En collaboration avec une start-up mexicaine, ils ont trouvé un moyen de suivre l’évolution de la maladie et de la contrôler grâce à des protocoles médicaux. Baptisée Life DBTS, cette assurance-vie ne se limite pas à protéger les diabétiques, elle les accompagne aussi tout au long de leur traitement et leur donne accès à des services médicaux en exclusivité.
Aider les assurés à contrôler leur maladie permet de couvrir le risque, et, de ce fait, de proposer une assurance à un segment spécifique de la population mexicaine qui par le passé n’y a jamais eu accès. Spécifiquement pensée pour les patients chez qui le diabète a déjà été diagnostiqué, la seule condition exigée des assurés est qu’ils suivent leur traitement.
Si l’assuré décède, du diabète ou de toute autre cause, y compris d’un accident, ses bénéficiaires recevront la somme prévue au contrat. Les assurés ont également accès à des services d’aide au contrôle clinique, au suivi du diabète ainsi qu’à des conseils médicaux.
Hacer para nacer
Diana Zamora Bonnet, Directrice adjointe des affaires publiques et de l’impact social d’AXA Mexico, nous parle du programme Hacer para Nacer qui vise à aider les mères et les nouveau-nés et à réduire la mortalité maternelle chez les plus démunis :
Cette solution est excellente pour un pays où les taux de pathologies liées à l’obésité sont si élevés. Face à ce vaste éventail de problèmes de santé, il reste pourtant beaucoup à faire pour protéger les Mexicains. Pendant que j’étais à Mexico, j’en ai profité pour discuter avec Daniel Bandle, PDG d’AXA Mexique. Ce qui est important, a-t-il souligné, ce n’est pas simplement de proposer des produits d’assurance plus simples et plus accessibles à une population qui n’a pas l’habitude d’y recourir, mais c’est de sensibiliser les gens, et cela devra se faire en collaboration avec le secteur public.
Car si le gouvernement a déjà commencé dans ce sens en introduisant une taxe sur les sodas et en votant des lois sur la publicité qui interdisent la promotion de la malbouffe à la télévision aux heures où les enfants la regardent, il y a encore fort à faire. Ces produits, qui font partie du mode de vie des Mexicains, sont vendus par de grandes entreprises privées qui ont une influence immense et une vraie force de persuasion, ce qui freine les nombreuses tentatives, nationales ou régionales, de réduire la consommation de sucre.
AXA doit donc s’employer à convaincre les Mexicains et leur gouvernement de l’importance de rendre obligatoires l’assurance santé, (ainsi que l’assurance auto et de l’assurance contre les catastrophes naturelles) s’ils veulent réduire ces risques élevés multiples auxquels ils sont exposés.
Cette idée fait son chemin et des progrès se font sentir qui devraient soulager quelque peu le système de santé mexicain. Cela signifie, par ricochet, que le gouvernement pourra affecter plus de fonds aux campagnes pédagogiques qui devraient contribuer à atténuer les effets des risques contre lesquels les Mexicains doivent se prémunir.
En attendant, alors que je termine mon délicieux repas au centre-ville de Mexico, je ne peux qu’espérer que les Mexicains renouent avec leur cuisine traditionnelle plutôt que de consommer des boissons et des aliments transformés comme on en trouve partout dans le monde. Et à cela, je lève mon verre de Mezcal !