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Garance Wattez-Richard

Garance Wattez-RichardDirectrice d'AXA Emerging Customers

22 novembre 2022

L’assurance inclusive, un outil au service de la résilience sociétale pour les marchés émergents et matures

Un modèle d’assurance « protection inclusive » est en train d’apparaître tant sur les marchés émergents que sur les marchés matures. Ce que l’on appelle l’« assurance inclusive » permet aux assureurs d’atteindre leurs objectifs commerciaux, tout en ayant un réel impact social. Les marchés différents ont des besoins différents ; c’est en comprenant la nature de chacun d’entre eux et en concevant des produits et des réseaux de distribution adaptés que les assureurs peuvent contribuer de manière positive à améliorer la résilience de la société.

Building Societal Resilience: The Role of Inclusion in a Fragmented World

Cet article fait partie du rapport du Fonds AXA pour la Recherche

LE RAPPORT COMPLET (EN ANGLAIS)

Dans quelle mesure l’assurance est-elle inclusive ? À l’époque des premières sociétés mutuelles, pionnières de ce secteur dans l’Angleterre du XVIIe siècle, les principes de mutualisation et d’inclusion constituaient le socle de la profession ; des valeurs qui semblent aujourd’hui bien discréditées. Sur les marchés matures qui s’attachent depuis longtemps à valoriser l’assurance, les crises successives, comme la crise financière mondiale de 2008 et la pandémie de Covid-19, mais également l’évolution des modes de travail et des plans de carrière, ont durement touché les classes moyennes. La population active est devenue plus vulnérable, prise en étau entre des revenus en baisse, l’incertitude professionnelle et l’augmentation du coût de la vie. De fait, même dans des pays comme la France, un nombre croissant de personnes renoncent à s’assurer, avec des conséquences potentiellement graves en termes de résilience. 

Malgré ce constat, les compagnies d’assurance n’ont pas évolué vers un modèle qui permette de faire face à cette nouvelle réalité. Le mode de vie linéaire, encadré par une protection sociale historiquement fondée sur une carrière de travail à temps plein au sein de la même entreprise, reste le modèle dominant. Le secteur de l’assurance ne prend que très lentement en compte l’essor de la gig economy et l’évolution vers des modes de travail plus flexibles, souvent plus contractuels. 

Par ailleurs, dans la plupart des marchés émergents, on constate un défaut cruel d’inclusion au sein de l’assurance. Contrairement à ce qu’il se passe dans les marchés matures, les classes moyennes des marchés émergents sont en plein développement, même si elles se caractérisent toujours par la précarité de leurs revenus et par des structures de travail souvent informelles. Cependant, les assureurs continuent de s’adresser prioritairement aux plus hauts revenus – un vrai manque à gagner pour le secteur. Les produits proposés ne sont souvent que de simples copiés-collés de modèles occidentaux, mal adaptés aux besoins locaux, et les réseaux de distribution sont insuffisamment développés.  

Tout ceci montre un secteur de l’assurance éloigné de ses principes fondateurs. Paradoxalement, des entreprises dont la vocation est de protéger les individus contre les risques n’ont pas évolué pour en appréhender de nouveaux. Cet immobilisme a des répercussions sur la confiance : sur les marchés émergents, à cause du manque de familiarité avec les modèles d’assurance, et sur les marchés matures, en raison de la méfiance réciproque entre les compagnies d’assurance et leurs clients potentiels.

Le manque d’inclusion entraîne de lourdes conséquences sur la résilience, avec des écarts de plus en plus creusés en termes de protection, et une plus grande exposition au risque. Alors que les marchés émergents peuvent compter sur le développement des classes moyennes, de nombreux ménages risquent de retomber dans la pauvreté à la prochaine crise. En l’absence d’un modèle formel d’assurance, ils sont contraints de s’en remettre à des stratégies de gestion des risques plus onéreuses, plus incertaines et plus informelles. Un phénomène accentué par la pandémie qui a fait replonger dans la pauvreté environ 100 à 120 millions de personnes par an en raison de l’augmentation de leurs dépenses de santé.

Garance Wattez-Richard

Responsable d'AXA Emerging Customers

Alors que les marchés émergents peuvent compter sur le développement des classes moyennes, de nombreux ménages risquent de retomber dans la pauvreté à la prochaine crise.

Un nouveau modèle inclusif

Cette situation souligne la nécessité d’élaborer un nouveau modèle d’assurance inclusive qui tienne compte des points de rupture et de transition et qui renforce la résilience face aux vulnérabilités financières et sociales, tout en remplissant les objectifs commerciaux. Notre secteur est conscient de ce défi. Chez AXA, depuis 2016, nous utilisons les Financial Diaries pour comprendre comment concevoir des filets de sécurité adaptés.

L’assurance inclusive est essentielle pour renforcer la résilience de la société, au-delà de la résilience personnelle procurée par la couverture santé, par exemple. C’est d’autant plus évident si l’on regarde qui elle est censée protéger. Chez AXA, nous nous attendions à ce que la portée de l’assurance sur les marchés émergents s’arrête au seuil de pauvreté. Au lieu de quoi nous avons découvert un « maillon manquant » : une population croissante à faible et moyen revenu, trop riche pour être pauvre mais trop pauvre pour être riche, dont la vie s’améliore au fil du temps et des générations mais qui reste définie par sa vulnérabilité financière, la volatilité de ses niveaux de revenus et ses difficultés d’accès au crédit.

Cette population constitue souvent le moteur économique des marchés qui la concernent – commerçants de détail, petits exploitants agricoles, microentreprises… Le manque de confiance ou les difficultés d’accès à une assurance abordable immobilisent des capitaux potentiellement productifs dans des alternatives plus coûteuses, tout en réduisant le goût du risque. Dans ce cas, l’assurance inclusive renforce la résilience de deux façons significatives : en couvrant les risques les plus pertinents de manière abordable et accessible, et en optimisant les revenus. Elle permet aux entreprises de se développer et de prendre des risques. Un petit agriculteur, par exemple, plutôt que de garder en réserve une partie de ses récoltes, pourrait choisir de les vendre pour pouvoir investir dans le développement de son exploitation. L’assurance inclusive contribue ainsi à créer une mobilité ascendante sur les marchés émergents, en formalisant les stratégies de gestion des risques ou en complétant des stratégies plus informelles.

Sur les marchés matures, l’objectif de l’assurance inclusive est légèrement différent : plutôt que de permettre des trajectoires ascendantes, elle offre un filet de sécurité lorsque la vie devient moins linéaire. Plutôt que de maillon manquant, on pourrait ici parler de « maillon coulant » – après avoir fait face à toutes les dépenses courantes, 25 % de la population française ne dispose plus que de 70 à 90 euros par mois. Face à l’augmentation du nombre des travailleurs indépendants ou exerçant plusieurs activités, et à l’essor de la gig economy, qui sont en train de devenir des moteurs économiques importants, des produits d’assurance bien adaptés peuvent augmenter, ou du moins préserver, la résilience sociétale.

Garance Wattez-Richard

Responsable d'AXA Emerging Customers

Dans ce cas, l’assurance inclusive renforce la résilience de deux façons significatives : en couvrant les risques les plus pertinents de manière abordable et accessible, et en optimisant les revenus. Elle permet aux entreprises de se développer et de prendre des risques.

Comment mettre en pratique l’assurance inclusive ?

Pour que l’assurance inclusive devienne une réalité dans les pays émergents, il est nécessaire de concevoir et de distribuer des produits appropriés, et de prendre en compte l’ensemble de la chaîne de valeur. 

Sur les marchés émergents, on peut constater que si certains pays, notamment l’Inde ou les Philippines, possèdent une forte culture de l’assurance, les produits proposés ne sont pas conçus pour les besoins locaux et, de ce fait, ne sont pas homologués. Prenons un exemple significatif : une police d’assurance-accident indienne qui exclut spécifiquement le patinage sur glace, un sport très peu pratiqué dans ce pays, donne une idée de la façon dont les polices sont souvent simplement reproduites à partir des modèles des marchés matures. Il est nécessaire de créer de la pertinence, grâce à des politiques simples pouvant être expliquées facilement par SMS, WhatsApp ou d’autres biais de ce type. Il ne s’agit pas de réduire la taille des produits, mais de construire une culture de l’assurance pertinente.

La distribution des produits est un aspect tout aussi important. En l’absence de courtiers ou d’autres moyens traditionnels de distribution, elle s’effectue par le biais de partenariats avec des entreprises de télécommunications, des institutions de microfinance, des sociétés de transferts de fonds, des portefeuilles électroniques et des plateformes de e-commerce, ainsi que par des moyens directs et par le bouche-à-oreille. Il s’agit, là encore, de créer de la pertinence en utilisant des réseaux numériques et physiques de confiance.

C’est ce que soulignent les enseignements tirés du cas indonésien, l’un des plus grands marchés émergents d’AXA pour l’assurance inclusive. En partenariat avec une institution de microfinance, nous avons mené en Indonésie une étude de marché en vue d’étendre la couverture de l’assurance-vie à d’autres domaines et de créer un produit spécifiquement destiné aux femmes. Mais l’étude a révélé que les femmes préféraient se concentrer sur la couverture de leur époux, là où se situe le risque financier. De même, cette étude a mis au jour l’importance de la distribution et du marketing via les sociétés de paiement et de crédit numériques, l’envoi de messages par SMS et l’utilisation de portefeuilles numériques.

Garance Wattez-Richard

Responsable d'AXA Emerging Customers

Sur les marchés matures, l’objectif de l’assurance inclusive est légèrement différent : plutôt que de permettre des trajectoires ascendantes, elle offre un filet de sécurité lorsque la vie devient moins linéaire. Plutôt que de maillon manquant, on pourrait ici parler de « maillon coulant »

L’avenir de l’assurance inclusive

L’assurance inclusive, en fin de compte, consiste à rendre le secteur de l’assurance lui-même résilient, en saisissant l’opportunité économique que présentent les marchés non assurés ou en se désengageant de l’assurance, pour servir les marchés du futur.

Les marchés émergents sont en cours de construction. Pour AXA comme pour d’autres entreprises, la prochaine frontière de l’assurance inclusive se situe sur des marchés matures, tels que la France, où des outils comme les Financial Diaries seraient d’une aide précieuse pour combler les lacunes en matière de données, en fournissant une mine d’informations sur la façon dont la population gère ses finances. L’objectif est de créer des produits pertinents et abordables, répondant à la fois aux besoins des classes intermédiaires qui ont déjà compris l’intérêt de l’assurance, et à ceux du nouveau monde du travail, comme la gig economy. 

Pour l’ensemble du secteur et pour ses clients, il est essentiel de se diriger vers une protection inclusive dans un monde défini par une succession de crises, de la crise climatique à la crise financière en passant par la pandémie de Covid-19. Les clients sont en train de prendre conscience des lacunes existant en matière de protection, tandis que les assureurs, de leur côté, réalisent que l’impact commercial et l’impact social ne peuvent être dissociés. Sans un effort d’adaptation, ils seront amenés à couvrir une part de plus en plus réduite de la population. Au bout du compte, la protection inclusive consiste à revenir aux principes fondateurs de l’assurance et à garantir la responsabilité de protéger les individus, dans une époque en mutation où il est devenu crucial de renforcer la résilience. 

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