3 juin 2019
L’augmentation de la croissance démographique et de l’exploitation des ressources crée une forte demande d’infrastructures civiles : immeubles, métros, trains, ponts, barrages, axes routiers, aéroports, etc. Compte tenu de la pression à en faire toujours plus, l’ingénierie, la construction et l’entretien de tels projets ne sont pas toujours bien gérés. Or, sans surveillance rigoureuse, les graves défaillances sont une réelle possibilité.
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L’effondrement du pont de Gênes en août 2018, qui avait fait 43 victimes, n’est qu’un exemple parmi d’autres. Nous pouvons également citer la rupture du barrage de Brumadinho, le 25 janvier dernier au Brésil, qui a provoqué la mort d’au moins 237 personnes.
Le public étant de plus en plus conscient de l’importance de la sécurité et de la durabilité des infrastructures, il nous faut mettre l’accent non seulement sur l’utilisation efficace des ressources mais aussi sur la bonne gestion des infrastructures existantes afin de s’assurer qu’elles restent sûres tout au long de leur durée de vie.
Connaître en amont quelles seront les potentielles catastrophes liées aux infrastructures industrielles ou civiles est extrêmement complexe, principalement du fait de la grande diversité des risques. La cause de l’effondrement du pont de Gênes n’a pas été formellement démontrée, mais la structure était soutenue par des câbles en acier enrobés de béton et, 25 ans seulement après sa construction, des fissures et de la rouille étaient clairement visibles. Le pont s’est effondré quelques mois avant le début des travaux de réparation. Dans le cas de la catastrophe qui a frappé le Brésil, la structure était une digue à stériles en amont
, un mur de terre et de limon qui contenait un réservoir à déchets miniers semi-solides. Sans structure rigide, le barrage était fondamentalement instable. Il aurait dû être sous constante surveillance. Des signes avant-coureurs, tels que de petites déformations du terrain, peuvent être observés, même sur des zones géographiques très vastes.
Compte tenu de la grande diversité des projets d’infrastructure, l’éventail des facteurs de risque est très large. Afin de mieux les surveiller, une approche interdisciplinaire est indispensable. Il nous faut répondre aux enjeux actuels et nous préparer à ceux de demain en nous concentrant sur l’évaluation, la surveillance, l’échange d’informations et la réduction des risques.
Une technologie présente en cela un potentiel considérable : l’interférométrie SAR (ou RSO, radar à synthèse d’ouverture
), aussi appelée InSAR. Les satellites SAR décrivent une orbite polaire héliosynchrone, ce qui signifie que le satellite passe au-dessus d’un point donné de la surface terrestre à la même heure solaire locale. Ils sont capables de surveiller les mouvements de la surface terrestre à grande échelle, sur de longues périodes de temps, ce qui permet de mieux appréhender la santé des infrastructures.
Comparés aux satellites optiques, les SAR sont capables de surveiller en permanence et par tous les temps. Ils émettent des ondes électromagnétiques dont la longueur varie d’environ un mètre à un millimètre, et reçoivent des signaux rétrodiffusés – c’est-à-dire des ondes, particules ou signaux, qui repartent dans la direction d’où ils proviennent – après qu’ils ont été réfléchis par la surface terrestre. Ces derniers montrent la réflectivité des cibles choisies et déterminent la distance qui les sépare du satellite et des autres cibles.
Lancé en 1978 par la NASA et le Jet Propulsion Laboratory, SEASAT fut le premier satellite SAR civil. Avec une résolution d’images de 25 mètres, c’était un outil révolutionnaire à l’époque. Les satellites d’aujourd’hui ont une résolution spatiale qui va jusqu’à un mètre et repassent au même endroit à intervalle rapproché (jusqu’à quelques jours seulement). Citons par exemple TerraSAR-X, COSMO-SkyMed et Sentinel-1, lancés respectivement par l’Allemagne, l’Italie et l’Union européenne.
La technologie InSAR peut saisir la topographie de n’importe quelle partie de la surface terrestre, en zone urbaine comme rurale. En comparant deux images, elle permet de mesurer la déformation du terrain entre deux phases d’observation. Le premier modèle numérique de terrain au monde – le Shuttle Radar Topography Mission – a été établi en 2000 en utilisant les technologies InSAR.
En faisant abstraction de la contribution topographique, il est possible d’obtenir des données très précises sur la déformation des terrains, telles que les affaissements du sol, les mouvements d’infrastructures et même les glissements de terrain au ralenti.
La principale source d’erreurs de mesure potentielles est le retard atmosphérique
, qui ralentit ou affecte les signaux et fausse les données saisies. Toutefois, l’inférométrie SAR multitemporelle la plus perfectionnée est capable de réduire ce retard en utilisant des images comparatives, et permet de mesurer les déformations du terrain au millimètre près.
maladies urbaines
Avec l’accélération de l’urbanisation, les infrastructures se développent considérablement, en particulier celles qui sont partiellement ou totalement souterraines, à l’instar des métros. La déformation anormale des infrastructures a été qualifiée de maladie urbaine
cachée, et doit être surveillée de près par les chercheurs, les autorités, les responsables politiques et le public.
De même que l’on se sert des scanners pour examiner en profondeur l’état de santé d’un patient, l’interférométrie SAR permet de surveiller la dynamique des infrastructures et d’établir un diagnostic santé
. Les images sont utilisées pour mettre en évidence les zones à risque. Si des mouvements inhabituels de la surface terrestre sont détectés, des analyses plus poussées peuvent être réalisées. Ainsi, si l’on repère un affaissement du sol près d’une ligne de métro, des recherches supplémentaires seront menées sur les bâtiments alentour pour voir s’ils sont eux aussi touchés. Ce système hiérarchisé facilite non seulement un suivi global régulier au niveau régional, voire national, mais aussi une analyse plus poussée des structures individuelles le cas échéant.
Dans la pratique, deux principales difficultés subsistent. D’une part, le nombre de satellites est limité et la demande est forte, ce qui restreint la capacité à obtenir rapidement des images à haute résolution. Le lancement de nouveaux satellites devrait résoudre ce problème. D’autre part, des changements subis peuvent survenir à tout moment. Les projets de réfection des routes et les dolines n’en sont que deux illustrations. Des algorithmes et des chaînes de traitement complexes sont nécessaires pour être capable de mieux les prendre en compte.
Les satellites InSAR constituent ainsi un moyen efficace d’évaluer la santé des infrastructures existantes, même si ces dernières ne sont pas visibles depuis l’espace. Les informations collectées sur la déformation des sols peuvent être combinées aux connaissances des spécialistes dans d’autres domaines, dont l’ingénierie géotechnique et structurale, l’hydrologie, la géologie et la météorologie. Ensemble, elles nous permettent d’approfondir notre compréhension de la dynamique des infrastructures, ce qui se traduit par de meilleurs diagnostics, une meilleure gestion et un meilleur entretien.
Découvrez son projet : Assurer la sécurité des infrastructures à l’aide de la technologie de surveillance par satellite
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