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Antoine Denoix

Antoine DenoixDirecteur d’AXA Climate

22 septembre 2022

Les entreprises sont des êtres vivants

Pour réussir à s’adapter en permanence, les entreprises doivent devenir des systèmes vivants et suivre les mêmes lois que ces derniers : nous avons choisi d’appeler ce phénomène régénération.

Cet article est le premier d’une nouvelle série initiée par AXA Climate, dont l’objectif est d’inspirer et de guider le plus grand nombre d’entreprises possible sur la voie de l’entreprise « vivante ». Chaque article explorera une dimension spécifique du fonctionnement d’un système vivant, en partant humblement de ce que nous savons, c’est-à-dire des connaissances rassemblées par AXA Climate. Plusieurs autres entreprises, heureusement, commencent elles aussi à prendre ce chemin. 

Quelques observations sur les entreprises

Le monde d’aujourd’hui exige de la part des entreprises qu’elles soient capables d’adapter en permanence leur culture, leur organisation et leur modèle économique. Pour survivre dans cette époque de plus en plus complexe, marqué par des crises climatiques et écologiques, il est devenu nécessaire de prendre un ensemble de mesures simultanées et rapides.

Cette adaptation n’est pas la même que celles qui sont survenues au cours des dernières décennies, comme la révolution numérique. Dans le monde numérique, une action A (investir dans une application mobile, par exemple) entraîne une action B (améliorer la satisfaction clients). L’exécution doit bien entendu être réussie, mais ses conséquence sont relativement prévisibles. 

En ce qui concerne la transition écologique, une action A (le développement d’un parc éolien, par exemple) entraîne une action B (la ruée des industriels chinois et américains sur le balsa, un bois léger provenant à 75 % de l’Equateur) et une action C (la déforestation massive) qui, en retour, induit une action D (l’oppression des indigènes équatoriens) tendant à dévaloriser l’action A, dont l’intention initiale était pourtant positive. L’effet papillon à grande échelle, en somme.

Nous nous trouvons face à des problèmes systémiques complexes. Les conséquences en mode cause / effet nous échappent souvent a priori ; il est devenu moins nécessaire de prévoir que de s’adapter de façon rapide et précise, en harmonie avec notre écosystème…

La plupart des grandes entreprises ne sont pas préparées à cette adaptation continue. Quels que soient le secteur d’activité et les bonnes intentions de leurs dirigeants, l’obstacle est de taille : il tient désormais à la conception même de l’entreprise en tant qu’organisation. 

Depuis le début de l’ère industrielle, nous concevons et exploitons nos entreprises comme des machines puissantes, dont chaque composant doit être maîtrisé. Cette vision est issue d’un long processus culturel, et d’une philosophie occidentale inspirée notamment par les enseignements de Descartes et Bacon. Elle définit l’homme en tant que sujet, entouré d’objets qu’il cherche en premier lieu à contrôler. Cette conception a eu de nombreux effets positifs : c’est en cloisonnant les choses que nous avons pu mettre au point des expertises de pointe (une voiture, un procédé chimique, une pratique agricole, etc.) qui ont permis d’améliorer considérablement notre qualité de vie collective. Ce besoin de contrôle se reflète dans l’habitude qu’ont prise les entreprises d’élaborer des organigrammes pour illustrer leur fonctionnement.

Les organigrammes se présentent sous la forme de boîtes fermées formant des pyramides : l’œil est rapidement et systématiquement attiré vers le haut, là où se trouve la boîte supérieure. Le principal enjeu pour les membres de l’entreprise, et le plus spontané, est de « gravir la pyramide ». Dans une logique mécaniste, cette case supérieure correspond à l’architecte, au créateur. D’ailleurs, lorsque les noms des dirigeants de la case du haut changent, c’est tout le reste de l’organigramme qui est modifié par effet domino, dans un laps de temps relativement court. Dans un organigramme, les connexions entre les équipes sont indiquées par des flèches représentant l’autorité hiérarchique (et non le rythme de travail, la collaboration, etc.) : les liens entre une équipe et le reste de l’entreprise se réduisent donc à une flèche de bas en haut. La succession, au fil du temps, de différents organigrammes dans une entreprise ne représente pas une histoire intelligible et logique. L’organigramme est une réponse figée à un problème temporaire de contrôle dans une structure et il est très difficile, juste en le regardant, de déduire la raison d’être, la vitalité ou même les valeurs de cette entreprise.   

C’est là que les difficultés commencent.

En cas de multiples crises, on peut réparer une machine en remplaçant certaines de ses pièces et optimiser son fonctionnement. Mais elle ne pourra jamais s’adapter toute seule. Nous sommes convaincus que les entreprises, pour s’adapter, doivent se penser et se comporter non pas comme des machines, mais comme des êtres vivants. 

Les enseignements que nous pouvons tirer du vivant

Les organismes vivants sont en constante adaptation, à l’échelle microscopique comme à l’échelle macroscopique. L’histoire de l’univers n’est qu’une succession d’épisodes d’adaptation, à travers l’émergence de nouvelles formes qui ne peuvent être réduites à celles qui les ont précédées : la matière noire et la matière lumineuse, en expansion depuis le Big Bang ; les particules élémentaires (quarks et leptons) permettant l’émergence des protons et neutrons qui formeront les atomes ; l’implosion, sous l’effet de la gravité, de l’hydrogène et de l’hélium à l’origine de la création des étoiles ; les bactéries capables d’évoluer en cellules puis en multi-cellules pour créer la vie ; les cellules chlorophylliennes qui synthétisent l’énergie solaire pour donner naissance aux premières plantes… 

Le vivant peut révéler ses modes d’organisation en suivant la même méthode qu’une entreprise, ou plutôt son mode d’organisation : puisqu’il s’agit d’un modèle, on retrouve des lois identiques, sous forme fractale et à diverses échelles.

Les systèmes vivants, qu’il s’agisse d’un réseau neuronal, d’une forêt ou encore des organes d’un mammifère, prennent la forme d’écosystèmes interconnectés, sans notion de verticalité. Les entités vivantes dont ils sont constitués sont plutôt représentées par des formes rondes, reliées par de nombreuses interconnexions bidirectionnelles et possédant un grand nombre de rétroactions.

La croissance d’une entité induit la croissance de l’écosystème auquel elle contribue, et réciproquement. C’est le principe fondamental de tout système vivant : il ne peut se développer que s’il permet à chaque entité vivante qui le constitue de poursuivre son essence, sa finalité, sa raison d’être en vie. Les frontières des écosystèmes sont poreuses et la modification d’une entité, même minime, entraîne de multiples répercussions sur le reste de l’écosystème.

Le vivant est dépourvu de centre, comme en témoigne l’Univers – n’en déplaise à certains contemporains de Galilée. Le système vivant ne cesse jamais d’évoluer, de bouger, pour finir par raconter une histoire intelligible, comme des images qui s’animent pour constituer un film. Imaginez le développement dynamique d’un fœtus, ou l’expansion du système solaire… 

Régénérer les entreprises

Pour réussir à s’adapter en permanence, les entreprises doivent devenir des systèmes vivants et suivre les mêmes lois que ces derniers : nous avons choisi d’appeler ce phénomène #régénération.

Il touche tous les aspects de l’entreprise, depuis son modèle économique et ses prestations jusqu’à sa culture et son organisation, autant d’éléments qui exigent d’être régénérés.

Les entreprises deviennent les écosystèmes permettant à chaque système vivant dont elles sont constituées (collaborateurs, actionnaires, clients, fournisseurs, communautés locales, ressources naturelles, etc.) de développer tout leur potentiel et de croître en même temps qu’elles. On ne peut pas appréhender une entreprise régénérée grâce à un organigramme et par le prisme du contrôle, mais grâce à un écosystème et par le prisme de la vitalité.

Les réalisations concrètes, des sources d’inspiration

Depuis quatre ans, la mission d’AXA Climate est précisément de soutenir l’adaptation climatique et environnementale. Il était pour nous crucial que notre structure, plus que toute autre, soit conçue dès le départ pour être la plus adaptable possible.

Le schéma ci-dessous permet de lire à travers notre évolution, plutôt qu’une organisation autoritaire, l’histoire d’une entité vivante, de plus en plus consciente, s’adaptant de façon continue et répétée depuis sa naissance en restant guidée par sa mission.

Concrètement, cette adaptation continue nécessite un accompagnement ainsi qu’un cadre à la fois souple et exigeant. C’est en cela qu’elle se rapproche, en quelque sorte, des lois de la physique appliquées au vivant. 

Ces conditions sont devenues notre rituel. Elles ont donné naissance à un ensemble de règles transparentes et précises qui encadrent notre travail collectif sur des sujets essentiels et porteurs de régénération : le recrutement, la performance, la rémunération, le développement des compétences, la vie en tant qu’équipe…

Voici quelques-uns des rituels concrets qui nous guident :

La prime de performance est fondée uniquement sur des objectifs collectifs, pour privilégier les intérêts d’un écosystème le plus vaste possible.

Les augmentations de salaire reflètent uniquement l’acquisition de nouvelles compétences, et non la performance, en mettant en avant la question de l’évolution. Les compétences individuelles sont les principaux moteurs d’AXA Climate, à court, moyen et long terme.

Des sessions obligatoires de feedback, d’une durée de trente minutes, sont organisées une fois par semaine entre deux membres de l’équipe choisis au hasard, afin de créer une sorte de réseau de feedback positif. 

A tout moment, une nouvelle équipe peut se constituer pour prendre des décisions liées à des défis spécifiques (nouvelles valeurs, empreinte carbone, augmentation des salaires, etc.). Tous les collaborateurs peuvent se porter volontaires pour en faire partie, et chaque décision prise par cette équipe sera automatiquement appliquée sans nécessiter l’approbation du CEO (tant qu’elle ne se rapporte pas à notre raison d’être, à notre business plan ou à la gestion de nos actionnaires).

Chaque année, grâce à la cartographie visuelle des domaines qui les composent, l’évolution des écosystèmes est projetée dans le temps : tous les 4 mois, les domaines sont recombinés et, à l’initiative de l’équipe, certains sont susceptibles d’apparaître ou de disparaître pour renforcer leur impact. Chaque domaine se voit attribuer une mission simple (facilement compréhensible dès le premier jour par tout nouveau collaborateur d’AXA Climate), 3 résultats clés (rédigés à la voix passive pour permettre une réponse directe, « oui nous l’avons accomplie », « non, nous avons échoué ») et 3 connexions à d’autres domaines en vue d’encourager et de faciliter la collaboration.

Le travail d’une petite équipe (y compris le CEO) consiste à contrôler en permanence la vitalité de certains domaines pour s’assurer de la bonne circulation de l’énergie ; les domaines réunissant plus de 10 collaborateurs sont, par exemple, systématiquement divisés en entités plus petites, afin de rendre plus claire la mission de chacun et, par conséquent, de gagner en efficacité.

Notre entreprise n’évolue par « trop vite » mais progressivement, et donc presque sans efforts, pour s’aligner sur ses objectifs. Nous ne sommes qu’au début de l’aventure, mais c’est notre caractère vivant qui constituera notre meilleur atout tout au long de ce voyage.

A suivre !

Le contenu de cet article reflète les opinions de l'auteur concerné et pas nécessairement celles du Groupe AXA.

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