Le besoin de coordination dans le système de soins

Contenu original : Fonds AXA pour la Recherche

À l’heure actuelle, dans de nombreux pays, ces systèmes sont tout simplement trop fragmentés et trop compliqués. Les patients sont souvent inutilement transférés d’une clinique ou d’un hôpital à un autre, alors que le parcours de santé devrait être facile à suivre, quels que soient votre pathologie, votre statut professionnel ou le type d’assurance dont vous disposez. La couverture universelle et le droit pour tous à la santé restent des mirages, mais la pandémie a dramatiquement renforcé la conviction qu’ils sont plus que jamais nécessaires. Le système de soins devrait être adapté à tous, afin que chacun puisse y avoir un accès égal.

Les services sociaux devraient eux aussi faire partie intégrante du système de santé – ils sont trop importants pour en être dissociés. Au cours de la pandémie, de nombreux pays ont enregistré des taux de mortalité très élevés dans les Ehpad ; nous n’avons pas réussi à offrir des soins de qualité à ceux qui, par définition, en avaient le plus besoin tout en étant le plus souvent exclus du système de santé.

Nous devons également mettre davantage l’accent sur la prévention, notamment en renforçant le système des soins de santé primaires et en mettant en place des réseaux permettant de diagnostiquer les pathologies avant qu’elles ne s’aggravent. Bien souvent, lorsque l’engagement de faire de la santé une priorité est rendu public, il ne s’accompagne pas des fonds nécessaires. Comment ce domaine peut-il être une priorité s’il reste sous-financé ? Ce n’est que lorsqu’une crise survient – comme la pandémie actuelle – que l’on commence à prendre conscience des profondes lacunes du système de santé.

Nous restons trop concentrés sur le traitement des maladies, au détriment de leur prévention. Dans le cas de la Covid-19, c’est parce que nous avons sous-investi dans la prévention de ce type de pathogène qu’il est maintenant en circulation ; notre unique option est donc à présent d’appliquer des mesures préventives, comme la distanciation sociale ou le lavage des mains, ou bien d’entrer en service de soins intensifs dans le pire des cas. Il est toutefois choquant que ces mesures soient aussi difficiles à mettre en place pour les personnes les plus pauvres, ou dans les pays les plus défavorisés.

« Les analyses en laboratoire, ainsi que les rendez-vous médicaux de contrôle, ont souvent été annulés ou reportés (…). Il ne fait aucun doute que nous en verrons les conséquences au cours des mois et des années qui viennent. »

Ces lacunes dans la prévention apparaissent aussi dans la plupart des pays qui n’avaient pas prévu de plan d’urgence pour ce type de pandémie. En conséquence, il y a eu trop d’improvisation, les priorités étant définies au fil du développement de la pandémie.
Ces pays se sont rendu compte en cours de route qu’ils devaient mieux protéger les professionnels de santé, alors que 20 % d’entre eux étaient déjà infectés par le virus.  Certains pays ont été contraints de rationner les soins, sans aucune orientation éthique explicite, ni aucune mesure prise à l’égard des personnes atteintes de maladies chroniques, qui ont pourtant besoin d’une surveillance continue.
Au Mexique, par exemple, comme dans d’autres pays, les patients diabétiques ont continué de recevoir leur traitement pendant deux ou trois mois mais n’ont bénéficié d’aucun suivi. Les analyses en laboratoire, ainsi que les rendez-vous médicaux de contrôle, ont souvent été annulés ou reportés. Les enfants atteints de cancer ont interrompu leur traitement car leurs familles avaient peur de les emmener à l’hôpital. Il ne fait aucun doute que nous en verrons les conséquences au cours des mois et des années qui viennent. 

Les pays asiatiques ont réussi à contenir la Covid parce qu’ils avaient déjà vécu l’expérience du SRAS, mais aussi parce qu’ils disposent de ressources que n’ont pas les pays en développement : dans ces derniers, le virus mettra plus de temps à disparaître, et ses effets à moyen terme seront bien pires. On observe le même phénomène dans les pays développés : l’impact est beaucoup plus grave parmi la population la plus pauvre et la plus socialement désavantagée. Nous devons également prendre conscience que nous n’existons pas isolément, mais que nous faisons partie d’un environnement beaucoup plus large, dont l’état sanitaire influe fortement sur le nôtre.
Cette crise démontre l’importance du concept « One Health » (Une seule santé) appliqué à la prévention.

Nous devons être attentifs non seulement à notre santé, mais à celle des animaux et de l’environnement – l’émergence actuelle d’une zoonose prouve à quel point cette gestion conjointe est essentielle. La Covid-19 est très clairement liée à cette notion de « One Health ».

La gestion improvisée de la pandémie malgré les risques élevés, le manque d’intégration des systèmes de soins et la négligence des liens existant entre l’environnement et la santé humaine conduisent à présent les gouvernements à dépenser des milliards pour soutenir l’économie. Espérons qu’ils en tireront des leçons, pour être mieux préparés à prévenir et à affronter les prochaines pandémies.