Chris Iggo

Chris IggoCIO d’AXA IM Core Investments

16 novembre 2021

COP26 : ce que les investisseurs doivent retenir

Les principaux chefs d’Etat se sont engagés à aller plus loin, et à inciter leurs homologues à faire de même. On a malheureusement déploré l’absence de plusieurs représentants des pays les plus pollueurs. Si certaines annonces ont fait la une des journaux, tout cela n’a-t-il finalement pas été que du bla-bla-bla , pour citer l’activiste Greta Thunberg ?

Changement climatique

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Alors que les dirigeants du monde entier se réunissaient à Glasgow pour tenter d’assurer à la planète un avenir plus durable, la COP26 avait un petit air de  ça passe ou ça casse . Le but était de s’accorder sur tout un panel d’objectifs ambitieux : atteindre le net zéro en termes d’émissions d’ici 2050, maintenir à portée de main les ambitions les plus audacieuses de l’Accord de Paris, protéger les communautés et les milieux naturels, mobiliser la finance pour soutenir la transition énergétique et assurer une coopération permanente entre les nations. 

Les principaux chefs d’Etat se sont engagés à aller plus loin, et à inciter leurs homologues à faire de même. On a malheureusement déploré l’absence de plusieurs représentants des pays les plus pollueurs. Si certaines annonces ont fait la une des journaux, tout cela n’a-t-il finalement pas été que du  bla-bla-bla , pour citer l’activiste Greta Thunberg ?

Plusieurs déclarations sont pourtant encourageantes, et peut-être annonciatrices d’actions politiques plus fermes. L’une des plus marquantes a été faite en fin de journée, lorsque la Chine et les USA se sont engagés conjointement à prendre des mesures  renforcées  pour stopper le réchauffement climatique au cours de la prochaine décennie et à coopérer pour limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels.

Dans sa forme définitive, le Pacte de Glasgow pour le climat, signé par près de 200 pays, va accélérer le rythme des actions en faveur du climat : on demande désormais aux gouvernements de nouvelles Contributions déterminées au niveau national (CDN) en vue de la décarbonisation mettant l’accent sur l’horizon 2030, d’ici la prochaine COP qui se tiendra à Charm el-Cheik à la fin de l’année prochaine, alors que la publication de ces CDN était auparavant prévue pour 2025.

Et pour la première fois, l’accord comprend un programme de réduction de l’utilisation des combustibles fossiles – même si la version finale ne mentionne qu’un engagement à  réduire progressivement  la production d’électricité issue du charbon et non pas à  l’éliminer progressivement , à la suite des pressions exercées par la Chine et par l’Inde pour atténuer la formulation. 

Perspectives d’avenir

Selon l’analyse plutôt encourageante de l’université de Melbourne, les engagements pris par les gouvernements permettraient, pour la première fois, de maintenir le réchauffement climatique dans les limites fixées par l’Accord de Paris, c’est-à-dire à 1,9 ˚C[1]. Si c’est une bonne nouvelle, on n’est toutefois pas  largement en-dessous  des 2 °C et encore loin de l’objectif idéal de 1,5 °C. Le groupe de surveillance Climate Action Tracker, qui a examiné les engagements plus concrets mais à plus court terme pour 2030, a conclu que la planète était toujours sur la voie d’un réchauffement de 2,4 °C, si ce n’est plus[2].

Selon l’une des conclusions les plus inquiétantes de la COP26, en l’état actuel des choses, certains des plus gros émetteurs det CO₂  – la Chine, l’Inde et la Russie – n’ont pris aucun engagement formel pour atteindre le net zéro d’ici 2050, ce qui démontre qu’il reste encore beaucoup à faire, et que la COP26 peut être considérée comme une étape en termes d’améliorations progressives sur lesquelles s’appuyer. Nous examinons ci-dessous certaines des principales conclusions de la COP26, ainsi que leur signification spécifique pour les investisseurs.

Sortie progressive du charbon

En amont du Pacte de Glasgow, plus de 40 nations se sont engagées à abandonner la production d’énergie issue du charbon. Il s’agit là d’une étape importante, même si la Chine, les USA et l’Inde figurent parmi les pays n’ayant pas signé cet accord.

Cet engagement a pour objectif d’éliminer progressivement l’exploitation du charbon en tant que source d’énergie dans les économies développées d’ici la décennie 2030, et dix ans plus tard dans les marchés émergents, pour laisser une plus grande place aux énergies renouvelables au sein de la production totale d’énergie. En outre, plus de 20 pays ont convenu de renoncer à tout financement public éventuel en faveur du développement du charbon d’ici fin 2022, tout en investissant davantage dans les énergies renouvelables.  

De nombreux gestionnaires d’actifs, dont AXA IM, se sont déjà largement désengagés du charbon – la source la plus importante d’émissions de carbone -, mais l’augmentation des investissements gouvernementaux dans les énergies renouvelables est une bonne nouvelle pour les entreprises de ce secteur, comme pour celles dont l’activité s’appuie sur les énergies propres.

Réduction des émissions de méthane

Plus de 100 pays se sont engagés à réduire de 30 % leurs émissions de méthane – l’un des gaz à effet de serre les plus nocifs – d’ici 2030. Les pays concernés par cet engagement sont responsables de près de la moitié des émissions totales de méthane et représentent 70 % du PIB mondial[3], même si les plus gros émetteurs (dont la Chine, la Russie et l’Inde) ont refusé de signer cette clause.

Le méthane possède un pouvoir de réchauffement 28 fois plus élevé que le CO₂ lorsqu’il est émis sans être brûlé ; il est libéré principalement par les activités agricoles ou en cas de fuite de gaz naturel au sein des infrastructures énergétiques[4]. Un engagement actif des investisseurs auprès des entreprises de ce secteur peut, selon nous, encourager un changement de pratiques dans ce domaine, notamment par le biais de politiques d’exploitation plus strictes, de modes de production plus efficaces et d’infrastructures plus performantes.

Véhicules propres

24 pays, ainsi qu’un groupe de grands constructeurs automobiles, ont convenu de ne mettre sur le marché que des véhicules à émissions nulles d’ici 2040 (au plus tard), en stoppant progressivement la construction de véhicules à moteur essence ou diesel. Plusieurs pays, dont le Royaume-Uni, les Pays-Bas et le Canada, s’étaient déjà fixé leurs propres objectifs : mais cet accord va plus loin, puisqu’il devrait couvrir près d’un tiers des ventes mondiales de véhicules, même si les USA, la Chine et l’Allemagne (qui dominent le marché mondial de l’industrie automobile) n’ont pas signé cette clause.  

Les véhicules électriques et les infrastructures qui les concernent suscitent déjà l’intérêt des investisseurs dans le domaine de la transition énergétique : ces nouveaux engagements pourraient donc générer des opportunités de croissance significatives.

Financement de la décarbonisation

Le Pacte de Glasgow prévoit notamment l’augmentation des aides financières accordées par les pays riches aux pays en développement en vue de leur adaptation à la crise climatique, même si l’objectif fixé en 2009 de 100 milliards de £ par an ne sera probablement pas atteint avant 2025 (l’Accord de Paris prévoyait l’échéance de 2020). Un ajournement qui risque de retarder le moment où les économies en développement rattraperont le niveau des pays développés en matière de lutte contre le changement climatique.

Parallèlement aux objectifs gouvernementaux, une alliance de plus de 450 sociétés financières internationales, représentant 130 milliards de dollars d’actifs, s’est engagée à s’aligner sur l’objectif du net zéro d’ici 2050. Le but de la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ) est d’aider à financer la transition énergétique.

La manière dont les gestionnaires d’investissement comme AXA IM (qui fait partie de la GFANZ) décident d’orienter leurs capitaux pourrait avoir un impact potentiellement important sur le mode de fonctionnement des entreprises du monde entier.

Mettre fin à la déforestation

Les dirigeants mondiaux se sont engagés à mettre fin à la déforestation d’ici 2030. Un engagement signé par les pays abritant environ 85 % du domaine forestier mondial – notamment le Brésil, où la forêt amazonienne est d’une importance capitale. Les pays en développement vont bénéficier d’aides financières pour restaurer les terres mises à mal par la déforestation et pour aider les communautés dont la survie dépend de ces écosystèmes, tandis qu’un nouveau fonds a été créé pour protéger la deuxième plus grande forêt tropicale du monde, située au Congo.

Pour les investisseurs, soutenir les efforts en faveur de la déforestation signifie s’attaquer aux activités qui en sont responsables à grande échelle, comme la production de viande, le pâturage ou encore la production d’huile de palme ou de soja. AXA IM a déjà établi des directives claires pour limiter ses investissements dans des entreprises responsables de la déforestation ou nuisibles aux écosystèmes naturels. Nous sommes convaincus qu’il est également très iportant que les investisseurs s’engagent davantage auprès des entreprises de ces secteurs afin d’encourager des pratiques plus durables et de les soutenir dans leur transition. 

Commerce du carbone

La COP26, en redéfinissant les règles des échanges centralisés, a commencé à dessiner les lignes d’un nouveau marché mondial du carbone. Mais il reste à voir comment ce système fonctionnera en pratique, et de quelle manière il sera contrôlé pour éviter le greenwashing. Néanmoins, cela pourrait permettre aux entreprises d’orienter leurs investissements vers des projets plus verts, constituant ainsi une étape importante vers l’instauration d’un prix mondial du carbone.

Nouveaux engagements

Parmi les promesses notables prises au niveau des nations, l’Inde s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2070 (la Chine vise quant à elle l’horizon 2060). L’Inde a également appelé les pays développés à intensifier leurs efforts financiers en faveur du climat et à débloquer un fonds de 1 000 milliards de dollars, soit mille fois plus que l’objectif actuel. Parallèlement, 43 Etats africains ont relancé une initiative visant à attirer des capitaux verts en provenance des investisseurs nationaux et internationaux. Et l’Australia Climate Finance a promis 500 millions de dollars supplémentaires pour aider l’Asie du Sud-Est et l’Asie-Pacifique à lutter contre le changement climatique.  

Des informations plus claires et plus cohérentes

L’International Financial Reporting Standards (IFRS) Foundation, dont le rôle est d’établir les normes internationales d’informations financières, a déclaré qu’elle allait créer un conseil spécialisé dans la durabilité (IASB), chargé d’élaborer des normes internationales de reporting en matière de climat et de durabilité destinées aux marchés financiers. Une initiative qui répond à un défi majeur pour les investisseurs, qui ont besoin d’informations fiables, de bonne qualité et comparables au sujet des facteurs de durabilité pour prendre leurs décisions d’investissement. 

De son côté, le gouvernement britannique a indiqué vouloir faire du Royaume-Uni le premier centre financier mondial net zéro. La plupart des grandes entreprises britanniques devront exposer publiquement la manière dont elles vont atteindre leurs objectifs en matière de changement climatique en vertu des règles proposées, ce qui devrait également apporter davantage de clarté aux investisseurs.

Prochaines étapes pour les investisseurs : une réglementation plus stricte et un engagement continu

Certains domaines clés pour les investisseurs n’ont pas été abordés lors de la COP26, notamment l’engagement international en faveur de la biodiversité. Les promesses qui ont été faites concernant l’arrêt de la déforestation étaient certes les bienvenues, mais la préservation des habitats au sens large, y compris les océans, est selon nous cruciale pour mieux gérer le niveau de carbone contenu dans l’atmosphère.

Alors que les gouvernements se rapprochent de leurs objectifs net zéro, il faut s’attendre à un renforcement de la réglementation dans les secteurs gazier et pétrolier, mais également dans le secteur de la finance. Cela pourrait déboucher sur un cadre défini à l’échelle mondiale autour des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) et la divulgation de ces informations. Les gestionnaires d’actifs intègrent de plus en plus souvent l’investissement responsable dans leurs prises de décision, mais à l’avenir ce phénomène sera vraisemblablement encadré par des exigences réglementaires plus strictes. Les investisseurs ont tout à gagner d’une réglementation plus claire et plus cohérente au niveau mondial, ainsi que de l’amélioration de la qualité et de l’homogénéité des données ESG.

Nous continuerons à nous engager auprès des régulateurs afin de nous assurer que les politiques de financement durable soient mieux conduites et puissent atteindre leurs objectifs. Nous maintiendrons de même notre engagement auprès des entreprises dans lesquelles nous investissons et notre volonté d’exploiter au mieux les capitaux que nous y injectons. Nous savons, grâce à notre expérience en gestion d’actifs et au dialogue avec les entreprises, que les fonds que nous gérons ont des répercussions sur l’économie réelle et sur la transition vers le net zéro.

En définitive, si nous ne réussissons pas la transition vers la décarbonisation, c’est l’économie mondiale tout entière qui en subira les conséquences. Mais en passant à un monde à faible émission de carbone, nous avons l’opportunité de développer la croissance économique de façon significative, ce qui contribuera à générer de nouvelles technologies, de nouvelles industries et de nouveaux emplois, ainsi qu’une multitude de possibilités d’investissement inédites. 

Les investisseurs tels qu’AXA IM ont un rôle clé à jouer en allouant des capitaux aux entreprises leaders en matière d’action climatique et de soutien technique à la transition, ainsi qu’à celles qui font du net zéro une de leurs priorités. Nous devons également nous engager auprès des entreprises retardataires en les incitant à modifier leurs business models, et à nous séparer éventuellement de celles qui ne progressent pas suffisamment vers un avenir net zéro. Les rendements potentiels pour nos clients pourraient être augmentés par cette approche, puisque aujourd’hui plus que jamais, ce qui fait sens pour l’environnement fait sens pour la finance. Nous attendons impatiemment de voir comment seront mis en pratique dans le monde entier les engagements pris à Glasgow, pour contribuer à assurer notre bien-être à tous. 

Sources

[1] COP26 emission pledges may limit global heating to below 2C | Greenhouse gas emissions | The Guardian

[2] Glasgow’s one degree 2030 credibility gap: net zero’s lip service to climate action | Climate Action Tracker

[3] More than 100 countries join pact to slash planet-warming methane emissions | Reuters

[4] Are Europe’s oil and gas majors prepared for the climate change challenge_AXA IM_October 2021.pdf

La version française est une traduction de l’article original en anglais, à des fins informatives exclusivement. En cas de divergences, l’article original en anglais prévaudra.

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