La biodiversité en péril

Contenu original: Fonds AXA pour la Recherche

Le changement climatique est clairement perçu comme un risque majeur qu’il faut limiter et auquel le monde doit s'adapter. On parle de plus en plus de la biodiversité, mais pourquoi est-elle importante ?

Marie B. - Ces dernières années, le changement climatique a fait la une des journaux et s'est retrouvé en tête de l'agenda politique. Il est, à juste titre, au centre des préoccupations les plus pressantes de la société. Cependant, l’érosion de la biodiversité est un autre risque mondial majeur qui requiert, de toute urgence, une attention et une mobilisation accrues. La biodiversité fournit l'air que nous respirons, la nourriture que nous mangeons, l'eau que nous buvons, entre autres fonctions vitales, indispensables à la vie. Elle revêt également une importance sociale, culturelle et spirituelle. Ces ressources naturelles et les services "écosystémiques" qui leur sont associés ne sont pas inépuisables, et leur disparition pourrait avoir de graves répercussions sur la stabilité économique et sociale. C'est pourquoi les indicateurs actuels sont préoccupants : jusqu'à 100 000 espèces animales et végétales disparaissent chaque année. Nous devons être conscients des répercussions de la perte des écosystèmes naturels et agir en conséquence, le plus rapidement possible.

Quel est le rôle de la science dans l'analyse des risques liés à la perte de biodiversité ?

Marie B. - Non seulement la science analyse et quantifie l'impact des risques liés à la perte de biodiversité, mais elle modélise aussi leur possible évolution. Elle met en évidence à quel point les risques globaux sont interconnectés et comment la biodiversité dépend d’autres problématiques de notre planète. La biodiversité et le réchauffement climatique sont étroitement liés : la préservation de l’une peut limiter la gravité de l’autre. Les océans, les forêts et les sols sont des sources importantes d'absorption du carbone et leur disparition contribue à l'instabilité climatique. L’érosion de la biodiversité est également une question de santé et de résilience. Les écosystèmes naturels sont essentiels à la vie sur Terre et à la santé : ils produisent de l'oxygène, permettent la régulation de l'eau et contribuent à la prévention des inondations grâce à la rétention en eau des sols. La biodiversité a également d'importantes répercussions sur la sécurité, ne serait-ce que par la raréfaction des ressources. La dégradation des sols et la diminution des stocks de poissons, par exemple, remettent en question la capacité à nourrir une population mondiale estimée à 10 milliards d'habitants en 2050. L'altération des écosystèmes naturels est aussi à l'origine de migrations et de conflits. Près de 40% des conflits intraétatiques de ces 60 dernières années étaient directement liés à des tensions liées aux ressources naturelles.

Enfin, la préservation de la biodiversité est aussi un enjeu économique. La destruction de certains habitats peut affecter des secteurs aussi divers que l'agriculture, la pêche, la promotion immobilière, le tourisme, la santé publique et les assurances. C’est grâce à la recherche scientifique interdisciplinaire que l’on peut concevoir des mesures plus efficaces.

Comment AXA soutient-il la recherche sur la biodiversité, tant du point de vue de la recherche que de l'entreprise ?

Marie B. - Au travers du Fonds AXA pour la Recherche, son initiative de mécénat scientifique, AXA a fait de la préservation de la biodiversité une priorité de son engagement pour la recherche environnementale. Plus de 60 projets du portefeuille du Fonds traitent directement des effets environnementaux, sociétaux et économiques de la perte de la biodiversité. Parmi les initiatives les plus récentes, un Fonds pour la biodiversité marine a été lancé en 2019 pour soutenir 8 bourses postdoctorales, ainsi qu’une Chaire AXA sur le renfoncement de la résilience aux risques côtiers grâce aux défenses naturelles à l'Université de Californie, Santa Cruz. La recherche soutient l'action du secteur de l'assurance en matière de biodiversité en fournissant des informations précieuses sur la quantification et la mesure du rôle clé de la biodiversité pour mieux l'intégrer dans les décisions économiques. Elle appuie et éclaire également le développement de solutions autour de la reforestation des habitats naturels, de l'élévation des nappes phréatiques dans les tourbières et de pratiques agricoles durables qui permettent de mieux orienter les investissements et développer des produits d'assurance qui contribuent à préserver et restaurer les écosystèmes naturels. C'est cet alignement entre les missions de l'assurance et de la recherche qui a motivé AXA à consacrer 250 millions d'euros au Fonds AXA pour la Recherche, afin de financer des projets de recherche innovants et de partager leurs résultats pour éclairer les décisions publiques et privées.

Plus précisément, quel est l'impact de l’érosion de la biodiversité sur le secteur de l’assurance ?

Céline S. - La perte de biodiversité met en danger les services écosystémiques, ce qui menace non seulement la société et les entreprises qui en dépendent, mais également les investisseurs et les assureurs qui comptent sur le bon fonctionnement de l'économie.

La capacité des investisseurs à comprendre et à cartographier ces risques leur permettrait d'identifier des opportunités et, ainsi, de soutenir des initiatives qui répondent à ces problématiques, plutôt que des pratiques commerciales qui les aggravent. Nous considérons la protection de la biodiversité comme un défi qui s'inscrit dans le prolongement naturel de nos efforts en faveur du climat. Depuis 2018, nous avons pris plusieurs engagements. En 2018, nous avons décidé publiquement d'étudier l'impact de la perte de biodiversité sur la société et la manière dont nous pouvons agir à la fois en tant qu'assureur et en tant qu'investisseur en adhérant à une initiative française appelée Act4Nature. En 2019, lors du G7, nous avons publié un rapport contenant plusieurs recommandations élaborées conjointement avec le WWF, notamment la création d'une Taskforce on nature-related financial disclosure (TNFD). Nous faisons désormais partie du groupe de travail informel qui a pour but de lancer la TNFD en 2021.

L'une des recommandations de ce rapport était de développer des outils de mesure du risque lié à la biodiversité, adaptés aux besoins des investisseurs. Comme peu d'indicateurs liés à la biodiversité sont réellement adaptés aux besoins des investisseurs, nous avons soutenu, avec 3 autres gestionnaires d'actifs, un appel à projets public pour aider à la création d'un acteur capable de fournir un indicateur mesurant l'impact de nos investissements sur le capital naturel. En 2020, le Iceberg Data Lab, en partenariat avec I-Care Consult, ont été sélectionnés à l'unanimité comme partenaire pour les trois prochaines années.

AXA a été l'un des premiers acteurs du secteur des services financiers à agir pour la lutte contre le changement climatique dès 2015. Que fait AXA dans le domaine de la préservation de la biodiversité, d’un point de vue de son activité commerciale et de son engagement pour le développement durable ?

Céline S. - En 2019, nous avons lancé notre troisième fonds "Impact Investment", fortement axé sur le climat et la biodiversité. Il investit pour protéger et restaurer le capital naturel, promouvoir une utilisation efficace des ressources et améliorer la résilience des communautés vulnérables face au changement climatique et à la perte de biodiversité. En 2020, nous avons doublé la taille de ce fonds d'impact pour atteindre 350M$. Grâce au travail d'AXA XL, nous pourrons peut-être bientôt assurer les mangroves, qui agissent comme une puissante protection naturelle des zones côtières en cas de tempête, mais qui ne sont actuellement pas protégées par des mécanismes de marché. AXA XL contribue également activement à l’Ocean Risk and Resilience Action Alliance (ORRAA), une alliance axée sur le développement de stratégies de gestion des risques utilisant l'expérience et l'expertise de la communauté de l'assurance et de la finance au sens large, pour faire face au risque océanique et renforcer la résilience des régions et des populations qui en ont le plus besoin. Enfin, en 2020, nous avons signé un partenariat de trois ans avec le WWF pour lutter contre les risques liés à la biodiversité. Ce partenariat permettra d'accompagner l'élaboration du TNFD, mais aussi d'apporter un soutien au développement des mesures d'impact sur la biodiversité et des futures politiques publiques liés à la déforestation ou aux océans.