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1 août 2020

Réponse des Systèmes de Santé, Rôle du « Big Data » et de l'IA & Effets sur la Santé Mentale

Par les Pr. Pedro Saturno, Sarah PRessman, Thomas Lukasiewicz

Contenu original : Fonds AXA pour la Recherche

La pandémie du COVID-19 a profondément bouleversé nos sociétés. En très peu de temps, le virus a brutalement mis en lumière manquements et disparités en matière d'accessibilité et de qualité des soins de santé dans le monde. À mesure que la crise progresse, d'autres retombées sanitaires plus insidieuses apparaissent également, à commencer par les effets de la distanciation sociale et de l’anxiété sur la santé mentale. Face à ces défis, des stratégies innovantes sont mises en place, parmi lesquelles l'intelligence artificielle et les données ont un rôle prépondérant à jouer.

En s'associant aux efforts internationaux de lutte contre la crise actuelle, « la communauté des chercheurs d'AXA s'est mobilisée, plus encore qu'auparavant, pour informer et éclairer les questions urgentes soulevées par la pandémie », a souligné Marie Bogataj, Directrice du Fonds AXA pour la Recherche. Entre autres initiatives, le Fonds a rassemblé neuf de ses plus éminents titulaires de chaire au sein d’un groupe de travail spécialement dédié à l’étude des questions sanitaires, économiques et environnementales qui se posent pour l’après-crise.

À l’occasion de cette troisième et dernière conférence d’experts, trois membres de cette 'Task Force COVID-19' apportent leurs éclairages sur trois des enjeux majeurs de la crise : la réponse des systèmes de santé, le rôle des données et de l'IA et les effets sur la santé mentale.

Réponse des systèmes de santé, Pr. Pedro Saturno

Quel a été l'impact de la crise COVID-19 sur les systèmes de santé et sur d'autres besoins fondamentaux ?

Les carences et les inégalités de nos systèmes sociaux existent depuis des années. Dans le contexte de la crise actuelle, elles se sont aggravées et sont donc devenues plus visibles. Je vais vous donner quelques exemples, tout d'abord concernant les directives mondiales sur la façon d'empêcher la propagation. La principale : les gens sont invités à rester chez eux. Ce n'est pas donné à tout le monde. Au Mexique, par exemple, 49 % de la population n'a pas un revenu suffisant pour s’assurer une sécurité alimentaire de base. Pour eux, rester à la maison, c'est avoir faim. Beaucoup de gens disent d’ailleurs de cette crise du COVID-19 qu’elle sera une pandémie de la faim. Un autre exemple concerne l'éducation et la recommandation de suivre des cours en ligne. Ici, au Mexique, seuls 56 % des foyers disposent d'Internet et les étudiants les plus défavorisés risquent de prendre du retard. Une autre recommandation consiste à se laver les mains aussi souvent que possible.  Au Mexique, 54 % des foyers ne disposent pas d'un approvisionnement quotidien en eau. Ces recommandations ont été conçues pour les pays développés. Elles n'ont pas été adaptées aux autres pays, ni même aux personnes qui, dans les pays développés, ne sont pas en mesure de les suivre. Elles exacerbent les inégalités, et rendent plus difficile le contrôle de la pandémie.

En ce qui concerne les systèmes de santé, tous les pays ne disposent pas d'une couverture sanitaire universelle. Au Mexique, 58 % des personnes n'ont pas de couverture officielle, publique ou privée. À New York, la mortalité est beaucoup plus élevée dans les communautés latino et afro-américaines. Cela est dû, entre autres, aux différences d'accès aux soins de santé. Cette pandémie a également mis en évidence le fait que certaines parties des systèmes de santé sont beaucoup plus négligées que d'autres. Les maisons de retraite, par exemple, n'étaient pas prioritaires, même si nous savions que les personnes qui s'y trouvaient étaient plus à risque.

Comment l'approche "One Health" peut-elle fournir une analyse de la crise actuelle ?

Je suis un fervent défenseur de cette approche. Le concept "One Health" est officiellement défini comme une approche collaborative, multisectorielle et transdisciplinaire (aux niveaux local, régional, national et mondial) dans le but d’améliorer les résultats en matière de santé, en reconnaissant l'interconnexion entre les personnes, les animaux, les plantes et leur environnement commun. La propagation du coronavirus, dont nous savons qu'il est passé des animaux sauvages aux êtres humains, a été rendue possible par les changements causés à notre environnement et par les connexions internationales . L'idée qui sous-tend l'approche "One Health" est que l'on ne peut pas comprendre la crise en se contentant de considérer la santé humaine. Il faut examiner tous les autres éléments et y réfléchir en collaboration. Tous les pays doivent reconnaître ces faits. La collaboration économique et scientifique entre les pays, et non l'isolement, est la seule façon de progresser.

Nous exhortons actuellement les responsables gouvernementaux à envisager le principe d'une qualité unique, "One Quality", pour tous les types de services de santé, non seulement en termes de soins cliniques, mais aussi en termes de services de santé publique. Les soins cliniques ne sont qu'une partie du problème, comme les arbres qui nous empêchent de voir la forêt. La forêt, c'est l'approche "One Health". Les services de santé publique font partie de tout cela, et nous devons leur appliquer les mêmes exigences de qualité et les mêmes actions d'amélioration de la qualité : une même santé et une même qualité pour tous.

Que pouvons-nous apprendre de cette pandémie moderne ? Comment pouvons-nous mieux nous préparer pour l'avenir ?

Pour se préparer à la prochaine pandémie, je pense qu'il y a cinq choses importantes auxquelles il faut penser. La première est la plus évidente : la prévention. Nous devons nous engager dans les initiatives "One Health" et les considérer davantage comme un investissement pour l'avenir que comme une dépense. Si nous avions investi dans la prévention “One Health” hier, les pertes économiques seraient moindres aujourd’hui, voire inexistantes, car il n’y aurait pas eu de pandémie. La deuxième chose à laquelle nous devons penser est la protection de nos systèmes de santé, et en particulier des ressources humaines. En Espagne, par exemple, 20 % des professionnels de santé en première ligne ont déjà été infectés, probablement en raison d'une protection insuffisante ou inexistante. La troisième concerne les infrastructures. Nous devons anticiper ce dont nous pourrions avoir besoin si ce type de situation se reproduisait et réfléchir à nos responsabilités en tant que système de santé. La pénurie de vêtements de protection dans le monde entier en est un exemple frappant. Maintenant que nous attendons un vaccin, nous devons nous assurer qu'il sera distribué en toute sécurité partout et pour tout le monde. Là encore, c'est évident, mais les nations pensent-elles à s'y préparer ?  La quatrième est d’un ordre éthique. Pensez à l'Italie. Lorsqu'elle a été submergée de patients, elle ne savait pas à quoi ni à qui donner la priorité. Nous devons nous mettre d'accord, à l'avance, sur une déclaration éthique posant des règles pour l'établissement des priorités. Le cas du personnel de santé le montre clairement : leur sécurité aurait dû passer en premier. Cinquièmement, et dernièrement, l'importante question de la lutte contre les inégalités : les inégalités sociales telles que l'accès à l'eau potable et à l'éducation, mais aussi les inégalités en matière de santé et d'accès universel à des services de qualité. La lutte contre les inégalités sociales et sanitaires doit devenir une priorité absolue.

Effets sur notre santé mentale, Pr. Sarah Pressman

L'épidémie est une source de peur et d'anxiété, non seulement à cause du virus, mais aussi en raison de la situation sociale sans précédent que représente le confinement. Quels sont les effets sur notre bien-être mental ?

Je pense que la première question à se poser est : pourquoi cette période est-elle si stressante ? Ce que nous savons des facteurs de stress, c'est que plus ils sont incertains, plus ils sont redoutables. En ce moment, nous ne savons pas si nous allons tomber malade, si nous allons avoir des symptômes mineurs, ou si nous allons finir à l'hôpital entre la vie et la mort. Nous ne savons pas si nous allons perdre notre emploi ou si nos besoins fondamentaux seront satisfaits.

La situation actuelle est également ce que nous appelons un facteur de stress incontrôlable. Il ne dépend pas de nous de décider si nous sommes coincés ou non à la maison. Nous ne pouvons rien faire personnellement pour éliminer ce facteur de stress. C'est pourquoi, vous voyez les gens se comporter de façon étrange, par exemple en achetant tout le papier toilette dans les magasins. Ils essaient de prendre le contrôle de quelque chose. À court terme, le stress n'est pas si nuisible pour nous. Notre corps est fait pour les situations de combat ou de fuite à court terme. Mais lorsque le stress persiste pendant une longue période, comme c'est le cas actuellement, notre corps commence à se dérégler. Il ne parvient pas à maintenir son homéostasie et c'est là qu’apparaissent les dommages psychologiques, comportementaux et physiologiques.

Nous commençons à adopter des comportements d'adaptation malsains. Nous mangeons trop, nous fumons, nous buvons beaucoup... Et puis, pour ne rien arranger, nous ne retrouvons pas nos saines habitudes d'adaptation. Par exemple, nous ne pouvons pas aller à la salle de sport et nous ne pouvons pas voir nos amis. Nous connaissons les méfaits du tabac et de l'alcool, mais peu de gens connaissent les méfaits, par exemple, de ne pas prendre de vacances, ce qui peut littéralement vous tuer. Ceci, associé à nos mauvaises habitudes de santé, nous conduit à une trajectoire qui peut tout à fait conduire à une dépression clinique, et beaucoup d'entre nous s'inquiètent de la montée des comportements suicidaires.

Cette pandémie érode nos relations sociales, non seulement à l'extérieur des foyers, mais aussi à l'intérieur. Comme nous sommes coincés ensemble en permanence, nos foyers peuvent aussi devenir une source de stress. Nous savons que, dans certains cas, ces situations débouchent sur des violences.

Quelles seraient les interventions possibles pour réduire les effets négatifs sur la santé mentale ?

Je n'irais pas jusqu'à dire que le remède est pire que le mal, mais nous devons penser aux conséquences du confinement sur la santé mentale. Afin de s'adapter à l'anxiété que cette situation crée (ce sentiment constant qu'un lion est sur le point de nous attaquer), la meilleure intervention est d'essayer de libérer l'énergie que notre corps économise, de libérer l'adrénaline qui circule dans notre corps. Nous pouvons faire un peu d'exercice : trouver un entraînement de haute intensité en ligne ou aller courir si on nous le permet.

Un autre problème, du point de vue de la santé mentale publique, est l'incapacité des gens à se promener ou à laisser les enfants sortir. La nature et l'exercice physique sont d'énormes indicateurs de bien-être. Le simple fait d'être près d'un arbre peut faire baisser la tension artérielle. Si vous ne pouvez pas faire d'exercice, parce que vous en êtes physiquement incapable, même de simples exercices de respiration peuvent vous aider. La respiration rythmée peut activer la composante de relaxation de notre système nerveux et faire baisser physiquement votre rythme cardiaque et votre tension artérielle. Du point de vue des relations sociales, capitaliser sur les relations que nous avons peut aider, comme par exemple aller vers les autres en ligne. Je dis aux gens d'essayer de se concentrer sur les choses positives du présent et sur celles qu'ils peuvent d’ores et déjà prévoir. Je leur recommande également de chercher des idées d’interventions de psychologie positive en ligne : on y trouve une foule de choses intéressantes.

Du point de vue de la santé publique, nous pourrions peut-être commencer à penser à des bulles d'isolement un peu plus grandes. Nous pourrions laisser les gens se confiner ensemble, en groupes de deux ou trois familles par exemple, dans lesquels les personnes pourraient partager les tâches, comme la garde des enfants.

Quel est le lien entre les émotions positives et notre santé physique ?

Notre esprit et notre corps ne sont pas des systèmes séparés, ce qui signifie que tout ce que nous ressentons ou pensons peut modifier notre physiologie. Nous disposons de décennies de recherche qui montrent comment notre humeur, notre inquiétude et nos relations affectent nos hormones de stress, le fonctionnement de notre système immunitaire, le fonctionnement de notre système cardiovasculaire, notre capacité à nous remettre ou non d'une maladie. Nous savons également que des facteurs de protection, comme les relations sociales et les émotions positives, peuvent défaire ces processus de stress et nous protéger afin que nous ne tombions pas malades. Nous comprenons très bien ces mécanismes.

Il y a une foule d’aspects importants, dans les domaines psychosocial et comportemental, que nous pouvons examiner dès aujourd’hui pour se préparer aux impacts à plus long terme du COVID-19. Pour la recherche, cela signifie que l'énorme variabilité que nous constatons dans la façon dont les gens tombent malades, au-delà des conditions préexistantes ou d'âge, pourrait s'expliquer en partie par les prédicteurs psychosociaux. Nous devons comprendre dans quelle mesure les comportements que nous avons à la maison en ce moment, la façon dont nous agissons dans nos relations, nos pensées, notre stress, influencent non seulement le fait que nous attrapons le virus ou non, mais aussi la façon dont notre corps va se défendre. Si nous parvenons à comprendre cela, nous pourrons adapter les interventions psychosociales au cours de l'année à venir.

Le rôle des données et de l'IA, Pr. Thomas Lukasiewicz

L'IA peut-elle jouer un rôle dans l'identification des problèmes de santé mentale et des symptômes de détresse ?

Prof. Thomas Lukasiewicz - Oui, bien sûr. L'IA peut aider à détecter des schémas qui appartiennent à certaines maladies mentales, comme la dépression. Nous exprimons souvent nos sentiments sur notre visage, mais aussi dans notre voix. Ces schémas de maladies peuvent être détectés. Des capteurs portables peuvent également aider à détecter d’autres variables pertinentes. De la même manière, l'activité en ligne peut être utilisée comme une opportunité de détection. Les chatbots pourraient également jouer un rôle, ils pourraient aider à apporter un soutien aux personnes qui n'ont personne à qui parler et, bien sûr, aider à détecter des signes de dépression dans le discours.

Prof. Sarah Pressman - Je pense que les réseaux sociaux vont être particulièrement utiles. Certes, ce que nous disons en ligne, les mots que nous utilisons, sont différents de ce que nous ressentons à l’intérieur, mais il y a eu tellement de travaux passionnants qui montrent qu'on peut capter la détresse de certaines personnes grâce aux mots qu’ils utilisent en ligne, et même faire le lien avec leur santé. Je sais que des sites comme Facebook ont développé des algorithmes pour analyser les messages à la recherche de risques de suicide en utilisant un processus d'apprentissage automatique du langage. Nous espérons que les gens s'associeront un jour à des organismes de santé publique pour intervenir lorsque nous commencerons à observer ces comportements. Un autre élément clé est le déploiement d'approches de télésanté, tant pour les médecins que pour les cliniciens. Nombreux sont ceux qui ont, presque immédiatement, transféré leurs activités en ligne. Cela va être très important pour surveiller la santé mentale et physique de la population. Espérons que ces pratiques seront de plus en plus accessibles à tous.

Comment l'IA est-elle actuellement utilisée pour lutter contre la pandémie, et comment peut-elle être utilisée pour aider à détecter et à gérer les premiers symptômes ?

Prof. Thomas Lukasiewicz - Plusieurs exemples illustrent la manière dont nous pouvons utiliser l'IA et l'apprentissage machine, plus particulièrement l'apprentissage profond et les logiciels de reconnaissance des formes, pour fournir des moyens alternatifs de tester et de diagnostiquer le Covid-19. Nous avons beaucoup entendu parler des cliniciens chinois qui utilisent l'imagerie à rayons X et la tomodensitométrie pour diagnostiquer le virus. Ces images sont actuellement utilisées afin de construire des systèmes d'IA capables de le détecter. Comme le virus affecte la respiration et que les personnes contaminées toussent, on pourrait également utiliser l'IA pour détecter le virus en identifiant des schémas dans la voix. Des capteurs portables pourraient également être utilisés, qui enregistrent nos données de vie et de mobilité. Les personnes atteintes du virus ont parfois de la fièvre, ne dorment pas bien la nuit ou elles présentent d'autres comportements inhabituels par rapport à leur activité normale. Si nous examinons le problème selon une perspective plus large, l'IA peut également être utilisée pour détecter de nouveaux clusters de l’épidémie en utilisant l'activité des personnes en ligne. Les gens peuvent mentionner des informations pertinentes sur les médias sociaux ou rechercher des symptômes sur les moteurs de recherche. L'apprentissage machine est également utilisé dans le cadre des soins. Pour l'instant, il n'existe pas beaucoup de possibilités de traitement, mais l'IA peut aider à décider si une ventilation est nécessaire, quand elle est nécessaire et dans quelles conditions. Elle peut aider à prédire et à optimiser les résultats afin d'augmenter les chances de survie des patients. L'IA est également employée pour la conception des médicaments et des vaccins, car elle permet de tester différentes molécules et leurs effets. Plus tard, lorsque nous nous serons attaqués à la pandémie, l'IA pourrait nous aider à surveiller l'impact à long terme du virus sur le système cardio-vasculaire, par exemple.

La recherche des personnes infectées a été considérée comme l'un des moyens de contrôler la transmission du COVID-19. Quels sont les enjeux en matière de confidentialité des données et de traçage ?

Prof. Thomas Lukasiewicz - Les deux grandes questions qui se posent en ce moment sont les suivantes : premièrement, quelles données stocker, et deuxièmement, faut-il les stocker de manière centralisée ou décentralisée. En ce qui concerne les informations à stocker, ce dont nous avons réellement besoin si quelqu'un est infecté et testé positif, c'est d'informer tous les contacts précédents qu'ils risquent d'être infectés. Nous avons besoin de ces contacts, mais nous n'avons pas vraiment besoin de leur localisation. Il existe des solutions qui permettent un suivi complet de ces personnes, y compris leur localisation. C'est plus d'informations que ce dont nous avons besoin à ce stade. Ensuite, en ce qui concerne l'endroit où stocker ces informations, si nous les stockions toutes de manière centralisée, nous pourrions les utiliser à d'autres fins, comme l'exploration des circonstances de transmission les plus probables, mais cela ouvrirait également la voie à des utilisations abusives. C'est la raison pour laquelle les gens, comme les scientifiques, préféreraient les décentraliser.

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