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14 mars 2018

Ils sont le visage de l’innovation à Nairobi

C’est ici, au cœur de la capitale du Kenya, que sont nées certaines des start-ups les plus en vue d’Afrique. Ces innovateurs qui travaillent à améliorer la vie quotidienne de leurs concitoyens, nous les avons rencontrés.

Nairobi, 17h. Le soleil commence à décliner derrière les immeubles du centre-ville. Je dois traverser la ville pour rencontrer un entrepreneur dans le quartier de Westlands dans 30 minutes. Une gageure, au vu du gigantesque embouteillage qui paralyse les principales artères de la ville. Pas de panique : le chauffeur de taxi dégaine son smartphone et se connecte sur Ma3Route, une application de navigation fondée sur un principe de crowdsourcing. Suivant les recommandations qu’un algorithme calcule en temps réel via des données glanées par d’autres usagers, nous empruntons un réseau de ruelles moins encombrées.

Bienvenue à la Silicon Savannah

Il s’agit d’un exemple parmi d’autres de la myriade d’applications et services utilisés par les habitants de Nairobi au quotidien, créés par des Kenyans pour des Kenyans. Et pour cause : Nairobi est l’un des hubs les plus actifs du continent. Ce vivier ultra-dynamique a même hérité d’un surnom : la Silicon Savannah. Accès aux soins, réduction de la pollution, éducation… Les services et applications qui naissent ici sont avant tout conçus pour transformer le quotidien des habitants de façon concrète dans de multiples secteurs.

Dans le domaine de la protection environnementale, l’utilisation de drones aide par exemple à la protection des animaux sauvages en luttant contre le fléau du braconnage dans les réserves naturelles du pays. Dans la santé, la chaîne de micro-cliniques Access Afya permet aux communautés d’accéder à des soins personnalisés. L’innovation est partout.

Le chemin emprunté par le taxi nous fait traverser le district de Mukuru, où des habitations précaires s’étendent à perte de vue. Dans ce bidonville, la vie a commencé à changer sous l’action de Sanergy, une start-up qui propose des solutions de sanitaires abordables. Construites chez les commerçants de la région, elles leur reviennent à moins de 30 dollars par an ; un prix souvent payé via une solution de micro-crédit.

« Les bidonvilles de Nairobi abritent 2 millions de personnes. Moins de 10% d’entre eux disposent d’un accès à des égouts, et les canalisations sont souvent cassées ou bouchées », explique David Auerbach, fondateur de l’entreprise. Les toilettes de Sanergy permettent de lutter contre cette situation catastrophique sur un plan écologique et sanitaire. La start-up recycle ensuite les excréments sous forme d’engrais bio utilisés dans les exploitations agricoles de la région. Comme chez tous les entrepreneurs de la région, l’intérêt des citoyens est au cœur de la démarche. « Notre modèle permet aux communautés que nous aidons d’être investies à chaque étape de la chaîne de valeur », ajoute l’entrepreneur.

17h25 : j’arrive avec quelques minutes d’avance à mon rendez-vous sur le parvis du grand immeuble blanc dans lequel s’étendent l’open space tout en longueur et les salles de réunion du Nairobi Garage. Cet espace de coworking est l’un des lieux emblématiques de l’innovation dans la capitale. C’est loin d’être le seul : le iHub (espace de collaboration technologique créé en 2010) et le Nailab (incubateur né en 2012) accueillent eux aussi la fine fleur de l’entrepreneuriat local. Ces lieux sont précieux dans un pays en proie à d’importantes contraintes infrastructurelles, où l’accès à l’électricité et à Internet est parfois difficile à obtenir. « Le coût du raccordement peut être trop lourd à un niveau individuel pour un entrepreneur. Au Nairobi Garage, ceux-ci peuvent accéder à des infrastructures fiables et performantes pour un prix abordable », souligne Hannah Clifford, directrice du lieu.

Depuis son ouverture en décembre 2015, le Garage, comme l’appellent les habitués, a hébergé des antennes locales de groupes mondiaux comme Uber, mais aussi et surtout des startups nées à Nairobi. Umati Capital est l’une d’elles. Cette entreprise de la fintech propose des crédits pour aider des petits commerces du Kenya rural à financer leur trésorerie via un processus entièrement dématérialisé. Ivan Mbowa, le fondateur, en est convaincu : l’effervescence actuelle de Nairobi en matière d’innovation n’est qu’un début. « Le Kenya est déjà un pays leader en matière de fintech. Nous allons continuer à innover dans d’autres formes de business digitaux qui vont avoir un vrai impact dans la vie des gens à une échelle régionale. »

A l'intérieur du Nairobi Garage
Le lieu de naissance des plus grandes innovations du Kenya

Safaricom, un pilier de la réussite

L’émergence de la capitale kenyane comme un haut lieu de l’innovation n’est pas le fruit du hasard. Le lancement dès 2007 de M-Pesa par Safaricom a été l’un des ingrédients de cette réussite. Ce service propose aux utilisateurs de déposer, retirer ou transférer de l’argent via leur téléphone portable. Le succès de cette solution est fulgurant et touche toutes les couches de la population. Dès 2010, M-Pesa devient le service financier le plus répandu dans un pays en développement. En 2012, plus de 17 millions de comptes sont enregistrés au Kenya. Un véritable raz-de-marée. Aujourd’hui, le logo vert et rouge est omniprésent dans les commerces de Nairobi.

Ce succès incontestable a poussé nombre d’entrepreneurs à proposer des services innovants, entraînés par la vague du e-commerce et l’émergence d’une classe moyenne. Dans le même temps, l’adoption de ces solutions est facilitée par le fort taux de pénétration mobile du pays.

M-Pesa a ouvert la voie à des usages inédits. Par exemple, la société M-Kopa, avec laquelle Safaricom a noué un partenariat, propose un système innovant de financement de kits solaires. Le package comprenant des panneaux photovoltaïques, des chargeurs de téléphones, une lampe de poche et une radio. Après un versement initial de 30 dollars, l’utilisateur peut recharger par SMS son « forfait solaire » pour 50 cents par jour payables par mobile. Au bout d’un an, elle est remboursée : l’électricité est alors gratuite.

Autre exemple avec M-Shwari, un service proposé par M-Pesa, et qui permet d’obtenir en quelques secondes des prêts à 30 jours de 10 dollars et plus. En remboursant dans les temps, les clients augmentent leur capacité d’emprunt.

 « M-Pesa est incontestablement l’un des facteurs qui ont favorisé à la vague d’innovation qu’on constate dans le pays ces dernières années », estime Sylvain Romieu, qui dirige avec Ruth Ngechu l’action sur le terrain de Living Goods, une organisation qui se base sur le digital pour distribuer des produits de première nécessité. « Avec l’arrivée de ce service, le Kenya a pris dix ans d’avance sur le reste du monde. Cela a attiré énormément d’attention sur ce qui se passait dans le pays et a contribué à le placer au centre de la carte. »

En effet, la réputation de la Silicon Savannah ne se cantonne pas aux frontières kenyanes. Au fil des années, ce hub est de plus en plus reconnu à l’international. Les événements rassemblant start-ups et grands groupes se multiplient : hackathons, Google Developers Group, Seedstars World…

En 2015, Nairobi est devenue la première ville d’Afrique subsaharienne à accueillir le Global Entrepreneurship Summit. Un événement marqué par la venue de Barack Obama, qui a prononcé à cette occasion un discours saluant les perspectives de développement du pays. Ici, personne n’a oublié cette visite officielle historique, la première d’un président américain en fonction.  L’année suivante, c’est Mark Zuckerberg qui effectuait une visite surprise dans le pays. « Je suis ici pour rencontrer des entrepreneurs et des développeurs, et pour parler de paiement mobile, où le Kenya est un leader mondial », déclarait-il sur Facebook.

Cette notoriété a contribué à attirer des profils internationaux. En venant ici, ceux-ci peuvent se connecter à un écosystème riche pour créer et construire avec les talents locaux. « Le niveau d’éducation des Kenyans est très élevé en comparaison d’autres pays d’Afrique de l’Est », souligne Sylvain Romieu. Là aussi, la digitalisation joue un rôle croissant. L’application Eneza permet par exemple à tout élève de 10 à 18 ans de bénéficier d’un accompagnement scolaire via SMS. Lancée en 2012, elle rassemble déjà plus de 1,7 million d’utilisateurs.

Transformer l’essai

Aujourd’hui, le Kenya a toutes les cartes en main pour confirmer cette vague d’innovation. Mais des défis restent à relever. La question des infrastructures est centrale pour permettre aux créateurs de libérer pleinement leur potentiel, de même que l’accès aux financements.

Une chose est sûre : le talent ne manque pas. Le phénomène de la « fuite des cerveaux », perçu comme une faiblesse dans certains pays, est au contraire vu ici comme une force et un enrichissement. Les Kenyans qui partent travailler dans de grandes entreprises occidentales sont nombreux à revenir après quelques années. « Ce sont des profils extrêmement recherchés, toutes les portes leur sont grandes ouvertes », remarque David Auerbach. « Ils rapportent au Kenya des savoir-faire. Ils peuvent donner une impulsion, changer la donne. »

Grace à ces nouveaux business models, le chômage a reculé progressivement ces dernières années, mais il demeure supérieur à 10%, et touche particulièrement les jeunes. Selon les données de la Banque mondiale, 22% des jeunes actifs kenyans seraient sans emploi. C’est beaucoup plus que dans les pays voisins, comme la Tanzanie ou l’Ouganda (respectivement 5,4% et 4,0%). Si beaucoup de jeunes parviennent à vivre de petits boulots, le Kenya manque encore d’emplois formels.

La nuit tombe sur le Kenya. Au Nairobi Garage, les lumières de l’open space sont toujours allumées. Ce soir, les innovateurs se coucheront avec l’espoir que leurs sociétés grandissent pour pouvoir offrir des emplois à leurs compatriotes et changer la vie de la population – puis, pourquoi pas, du monde entier ?

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