13 juillet 2021
8 minutes
Hans Stoter (HS) : Il est clair que sans décarbonisation, l’économie mondiale va subir de graves dommages. Mais dans l’absolu, nous sommes convaincus que la transition énergétique peut renforcer la croissance économique, en amenant la création de nouvelles technologies et de nouveaux emplois – ainsi que de nouvelles opportunités d’investissement. Les domaines novateurs de l’hydrogène, de la capture/stockage du carbone et de l’agroalimentaire durable, notamment, généreront de la croissance dans le futur. Selon nous, la transition énergétique peut se révéler tout aussi transformatrice que l’a été la révolution numérique au cours des dernières décennies – tout en ayant également des retombées significatives sur les allocations d’actifs.
Nigel Topping (NT) : La décarbonisation va véritablement modifier la nature profonde de l’économie ; pour fabriquer de l’acier, on passera par exemple de la combustion du charbon à l’utilisation de l’hydrogène vert, qui nécessite des capitaux importants. Certains pays, comme la Chine qui se focalise massivement sur les énergies renouvelables et sur l’hydrogène vert, commencent déjà à attirer de nombreux investisseurs étrangers. Selon moi, les grands gagnants de la transition énergétique seront les premiers à l’avoir mise en œuvre.
HS : Il faut instaurer une rentabilité durable à long terme et faire en sorte que la sphère financière récompense les comportements exemplaires, plutôt que voir seulement les profits à court terme. En prenant conscience que personne n’a rien à gagner dans le naufrage de la planète, nous assurerons un avenir durable à notre monde grâce à un environnement économique propice.
Johann Plé (JP) : Il y aura évidemment des gagnants et des perdants, mais je pense que, dans l’ensemble, la transition énergétique engendrera une augmentation de la croissance durable à long terme, qui sera également profitable à l’emploi. L’engagement des entreprises et des gouvernements dans des initiatives « net zéro » va déclencher des investissements massifs dans les énergies renouvelables et les dispositifs éco-énergétiques, créant ainsi de nombreux emplois. Si certains métiers vont probablement disparaître, beaucoup d’autres peuvent être adaptés ou transformés – les entreprises doivent faire le nécessaire pour réorienter les emplois menacés et mettre en place, avec le soutien des gouvernements, des formations permettant de ne laisser personne sur le carreau.
HS : Le secteur de la production et du stockage de l’énergie va générer des innovations qui s’annoncent passionnantes. Jusqu’ici, les énergies fossiles étaient redoutablement efficaces pour stocker l’énergie et la libérer au gré des besoins, et il va falloir appliquer ce même degré d’efficience aux énergies renouvelables. Imaginez un monde où les entreprises pétrolières intégrées utiliseraient leur réseau de distribution pour fournir de l’hydrogène dans les stations-services ! Si elles réussissent leur transition, c’est un avenir extrêmement prometteur qui s’ouvre à nous. A mon avis, les grands gagnants de la transition énergétique sont aujourd’hui les véhicules électriques, le secteur des énergies propres et du traitement des déchets, la santé et l’agroalimentaire durable. Parmi les retardataires, on trouve les sociétés pétrolières intégrées qui, malgré leurs prises de position, ne consacrent qu’un très faible pourcentage de leurs revenus aux énergies propres.
NT : La part d’investissements que ces entreprises consacrent à la transition énergétique est parfois très faible, ce qui est inquiétant car cela prouve leur manque d’engagement ferme en faveur de la transition. A court terme, leur action doit d’abord porter sur le déploiement de capitaux supplémentaires.
JP : Il faudrait, selon moi, une association de ces deux facteurs : la politique est souvent influencée par l’opinion publique, et l’on constate une prise de conscience, dans la population, de la nécessité de changer nos habitudes.
NT : Il y a un va-et-vient permanent entre les politiques publiques et l’industrie. Par exemple, les véhicules électriques reviennent plus cher à l’achat que les véhicules à combustion, même s’ils sont moins coûteux à l’usage. L’industrie des véhicules électriques a besoin d’être soutenue quelques années encore, jusqu’à ce que les prix baissent, et elle a également besoin de soutien en termes d’infrastructures de recharge.
JP : La croissance du marché des obligations vertes reflète bien cet enthousiasme des investisseurs pour la transition énergétique : on est passé d’un marché de 50 milliards de dollars il y a cinq ans à presque 1 000 milliards aujourd’hui. Il y a eu presque autant d’émissions entre janvier et juillet 2021 qu’au cours de toute l’année 2020, et l’on s’attend à ce que le nombre total d’émissions en 2021 soit le double de celui de l’an dernier. De nombreux gouvernements se sont engagés à atteindre des objectifs « net zéro », ce qui se traduit par la forte croissance des émissions souveraines d’obligations vertes. De plus en plus d’entreprises émettent des obligations vertes dans des secteurs toujours plus variés : non seulement les services publics, mais aussi l’immobilier, l’automobile, la chimie, etc. Si les secteurs de l’énergie, des métaux et de l’extraction minière ne sont pas aussi actifs sur le marché des obligations vertes, pour autant cela ne veut pas dire qu’ils n’ont pas un rôle important à jouer dans la transition vers une économie durable et à faible émission de carbone.
HS : La vigilance par rapport au greenwashing est le signe d’une autorégulation qui fonctionne, grâce à la surveillance des autorités de règlementation et au shaming médiatique. Les entreprises redoutent d’être associées à ce phénomène. Mais je voudrais dire aux détenteurs d’actifs et aux investisseurs qu’il ne faut surtout pas que la peur du greenwashing les empêche d’investir dans des stratégies vertes. Il est toujours préférable d’investir dans un produit vert avec 20 % de greenwashing que dans un produit 100 % non vert ! Aujourd’hui, l’obsession d’éviter le greenwashing est presque plus importante que la recherche d’investissements verts, ce qui selon moi est un mauvais calcul.
JP : Les obligations vertes sont des obligations conventionnelles qui ont l’avantage de bénéficier d’une plus grande transparence, car leur émetteur identifie des projets respectueux de l’environnement et s’engage à fournir les indicateurs de performance clés qui leur sont liés. Ainsi, pour déterminer si une obligation est véritablement verte, les investisseurs doivent non seulement examiner le projet, mais également s’assurer que la stratégie durable de l’émetteur est crédible et correctement alignée sur les projets à financer.
HS : Il y a incontestablement un élan d’enthousiasme, mais je ne pense pas qu’il s’agisse d’un effet de mode. C’est une tendance structurelle qui durera sans doute plusieurs années. Nous avons atteint un point de bascule : les investisseurs préfèrent se tourner vers des projets ayant un impact social ou environnemental positif, plutôt que se focaliser uniquement sur des retours sur investissements à court terme. S’il y a une forte demande pour les stratégies environnementales, sociales et de gouvernance, la valeur des entreprises les mieux notées selon ces critères ESG augmentera inévitablement. C’est un processus qui s’autoalimente. Mais selon moi, la demande structurelle d’investissements plus verts est une tendance qui devrait se maintenir.
HS : Je pense que ces sujets seront de plus en plus fréquemment abordés lors des assemblées annuelles des entreprises. Pour notre part, en tant que grand gestionnaire d’actifs, il sera beaucoup plus efficace d’utiliser notre influence dans un dialogue individuel avec les instances dirigeantes, ou de s’associer avec d’autres grands investisseurs pour les approcher conjointement. Nous croyons fermement à l’engagement, mais lorsque l’engagement devient difficile, s’il est important de faire entendre publiquement sa voix, une discussion à huis clos donne souvent de meilleurs résultats.
NT : J’espère que tous les gestionnaires d’actifs décideront de rejoindre la Net Zero Asset Managers Initiative ainsi que la Glasgow Financial Alliance for Net Zero, et qu’ils feront entendre leur voix pour exiger la sortie du charbon, la fin du moteur à combustion et l’arrêt de la déforestation. J’aimerais qu’ils intègrent tous, dans leur approche et dans leur engagement en matière d’investissement, la volonté de mettre un point d’arrêt à ces trois technologies polluantes qui sont, depuis si longtemps, à l’origine du changement climatique.
La version française est une traduction de l’article original en anglais, à des fins informatives exclusivement. En cas de divergences, l’article original en anglais prévaudra.
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