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Gordon Watson

Gordon WatsonCEO, AXA Asia and Africa

1 novembre 2021

Le monde des affaires a un rôle important à jouer face à la crise de la santé mentale qui s’annonce

Même si nous ignorons toujours combien de temps va encore durer la pandémie, une opportunité se profile clairement, pour les entreprises, d’opérer un changement durable dans la gestion des besoins en termes de santé mentale. En assimilant et en appliquant les principes de la valeur partagée, les entreprises seront en mesure d’adopter un état d’esprit qui profitera potentiellement à leurs résultats financiers, mais aussi à l’ensemble de la société.

La pandémie de Covid-19 se prolonge bien au-delà de ce que l’on prévoyait initialement. Chaque mois, les journaux parlent de l’épuisement professionnel qui sévit en ce moment en Asie parmi les étudiants et les professeurs à Hong Kong, les avocats à Singapour et les salariés partout sur le continent. Il s’agit d’un phénomène d’ampleur mondiale; l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a même mis en garde, au mois de juillet dernier, contre l’impact “à long terme et de grande envergure” de la pandémie sur la santé mentale.

Les racines de ce problème sont assez profondes. Même avant le début de la pandémie, des recherches menées en 2018 par la Mental Health Alliance de Hong Kong révélaient que 37 % des personnes interrogées déclaraient avoir souffert, à un moment ou à un autre, d’un problème de santé mentale dans le cadre de leur travail[1], tandis que plus de 60 % affirmaient qu’elles ne demanderaient pas à être aidées par des professionnels en cas de dépression[2]. Selon UBS, en 2016, 25 % des actifs à Hong Kong présentaient des symptômes de dépression et d’anxiété, soit 2,5 fois plus que la moyenne mondiale[3]. La crise sanitaire n’a fait qu’accentuer ces tendances, parfois jusqu’au point de rupture.

Plus l’incertitude engendrée par cette crise se prolonge, plus il va être difficile, pour ceux qui souffrent de maladies mentales, de supporter ce fardeau. Encourager la résilience individuelle et l’autotraitement constituent des outils avec lesquels nous nous sommes tous plus ou moins familiarisés par nécessité, mais ils ne peuvent apporter qu’une aide limitée face à une situation pandémique qui, en se prolongeant, génère beaucoup de tensions, surtout depuis que nous savons que le virus est endémique et qu’il est difficile d’en prévoir la disparition.

Pourtant, cette crise peut aussi représenter un tournant important. La pandémie, en touchant plusieurs millions de personnes, a ouvert la porte à une sensibilisation, une compréhension et un soutien accrus de la part de la société sur les questions de santé mentale. L’attention que le public et les médias portent à ce sujet l’a même fait passer au premier plan des préoccupations. Aujourd’hui, alors que nous entamons notre deuxième année dans l’ombre du Covid-19, il est temps que le monde des affaires accepte de jouer un rôle plus significatif dans ce domaine, en saisissant l’opportunité de concevoir les solutions à long terme qui seront nécessaires pour éviter une pandémie de troubles de la santé mentale. 

L’élément central de cette stratégie est le concept de valeur partagée. Définie en 2011 par les professeurs  Michael Porter et Mark Kramer dans un article de l’influente Harvard Business Review, la valeur partagée est une stratégie commerciale qui crée un avantage compétitif en alignant la recherche de profit et le dessein sociétal de l’entreprise. Selon ces deux chercheurs, la capacité d’une entreprise à exercer un impact positif sur le contexte environnemental et social est un facteur clé de sa performance à long terme. En substance, cette façon de voir les choses reconnaît que le fait de s’attaquer aux enjeux sociétaux ouvre des possibilités de nouvelles stratégies commerciales, dont tout le monde sortira gagnant.   

A la différence des initiatives classiques de responsabilité sociale des entreprises, la valeur partagée est ouvertement axée sur les performances commerciales, en reconnaissant toutefois que la valeur économique ne peut être soutenue à long terme que dans une société prospère. Cet alignement est donc susceptible de produire un résultat plus rentable qu’en s’appuyant uniquement sur les dépenses publiques ou les aides caritatives.

Sur le lieu de travail, cela a déjà commencé à se manifester par l’évolution de la dynamique entre employeurs et employés, les entreprises adoptant une approche de plus en plus proactive pour aborder la question du bien-être mental. Que ce soit par le biais de “journées de la santé mentale”, de discussions autour de ce thème ou de l’accès gratuit à des outils tels que des applications de méditation, l’objectif commun est de mettre en place des mesures pour éviter un potentiel burn-out au sein des équipes.

Cela présente le double avantage de favoriser la rétention des talents sur un marché compétitif, mais aussi d’encourager la prévention, en évitant que certains soucis ne débouchent sur des troubles de la santé mentale ou de l’absentéisme. Ces initiatives, qui contribuent également à combler le fossé entre l’accès à l’aide et la volonté d’y recourir, doivent être encouragées, et les entreprises doivent s’y investir de façon continue en promouvant une véritable culture d’ouverture et de volontarisme dans la recherche de soutien.  

Dans le monde des affaires, il faut que les entreprises saisissent l’occasion offerte par l’innovation en termes de création de produits, et déterminent comment elles peuvent tirer parti de leurs ressources et de leurs compétences spécifiques pour créer un impact. Les motivations économiques sont claires: une étude du Forum économique mondial prévoit que le coût des troubles de la santé mentale (et de leurs répercussions) atteindra 6 000 milliards de dollars à l’échelle mondiale en 2030, alors que ce chiffre était de 2 500 milliards de dollars en 2010 [4]. Aux USA, le financement de la création d’entreprise dans le domaine de la santé mentale a atteint le chiffre record de 852 millions de dollars au premier trimestre 2021, soit près du double du montant alloué au cours de la même période en 2020, selon CB Insights[5].

Le secteur de l’assurance est un excellent exemple de la manière dont cet impact peut être ressenti. Alors que, par le passé, ce secteur se concentrait principalement sur la couverture des sinistres liés à des pathologies physiques, on assiste aujourd’hui à une évolution vers des solutions de santé holistiques, qui intègrent la couverture des besoins en matière de santé mentale. Les polices prévoient désormais l’accès à des services à valeur ajoutée, qui offrent aux clients des outils et des ressources complets pour gérer eux-mêmes leurs troubles de santé mentale avant qu’ils ne nécessitent un traitement. En adaptant ainsi les solutions, on ouvre la voie à de nouveaux produits  et l’on soutient la croissance des entreprises, tout en apportant un soutien accru aux individus. 

A mesure que ces approches s’intègrent à nos modes de pensée et à nos façons de travailler habituels, elles sont susceptibles de s’étendre et de toucher tous les aspects de nos activités. Dans le secteur financier, cela pourrait se traduire par le développement de produits et de services capables de venir en aide aux clients mentalement fragiles en cas de difficultés financières. En identifiant les défauts de paiement des factures et en discutant avec eux, il est possible d’identifier les plus vulnérables et de les orienter vers des services d’aide. Une initiative qui renforce non seulement l’image de marque d’une entreprise, mais qui stimule également l’investissement des employés, tout en s’alignant sur des objectifs ESG de plus en plus importants pour les entreprises citoyennes.

Même si nous ignorons toujours combien de temps va encore durer la pandémie, une opportunité se profile clairement, pour les entreprises, d’opérer un changement durable dans la gestion des besoins en termes de santé mentale. En assimilant et en appliquant les principes de la valeur partagée, les entreprises seront en mesure d’adopter un état d’esprit qui profitera potentiellement à leurs résultats financiers, mais aussi à l’ensemble de la société.

[1] City Mental Health Alliance, 2018.

[2] Ibid

[3] “Prices and Earnings”, UBS, 2016.

[4] https://intelligence.weforum.org/topics/a1Gb0000000pTDbEAM

[5] https://www.inc.com/amrita-khalid/mental-health-startups-healthcare-innovation.html

Mots-clés:

Santé mentale
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