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3 avril 2019

La communauté, nouveau poumon de la santé de demain ?

Des objets connectés à la recherche qui place le patient au cœur du processus en passant par le décloisonnement des spécialisations, quel visage prendra la santé de demain ? C’est une des questions centrales du trendbook 2019 AXA Foresight. A l’occasion de sa sortie, nous avons rencontré Olivier de Fresnoye, co-fondateur d’echOpen, un échographe ultraportatif conçu par une communauté de plusieurs centaines de chercheurs, patients et médecins.

En 1819, René Laennec, inventeur du stéthoscope, publiait son Traité de l’auscultation médiate, un premier pas vers l’émergence d’une pratique médicale devenue aujourd’hui courante. Deux cents ans plus tard, echOpen voit le jour avec pour ambition d’augmenter cet examen clinique.

EchOpen, c’est avant tout un échographe ultra-portatif. Il fonctionne connecté à un smartphone qui sert alors d’écran. Ce projet hautement innovant est utilisable en mobilité. Son utilisation s’interface entre l’auscultation traditionnelle (au stéthoscope, sans images) et les examens complémentaires (scanner, IRM, échographie). Autrement dit, il s’agit de donner des yeux au médecin généraliste, aux premiers secours arrivés sur un accident… Enfin, ses concepteurs ont mis comme objectif dès le départ de garder son prix le plus bas possible.

L’objet et l’histoire de sa conception sont révélateurs d’une santé qui se transforme via la technologie par le biais de nouvelles formes d’innovation basées sur des projets Open Source qui favorisent la mobilisation de communautés. Cette transformation de la santé est au cœur du trendbook AXA Foresight. L’occasion donc de partir à la rencontre d’Olivier de Fresnoye, co-fondateur d’echOpen et d’Epidemium pour mieux en saisir les enjeux. Entretien.

Vos deux projets, Epidemium et echOpen, ont la particularité d’être open source. Pensez-vous qu’il est nécessaire de faire appel à la communauté pour innover en matière de santé ?

Quand on parle d’innovation dans le domaine de la santé, il faut prendre en compte la spécialisation grandissante de la médecine qui va de pair avec la meilleure connaissance de certaines maladies. Pour donner un exemple simple : il y a quelques années, il y avait un spécialiste du cancer, le cancérologue. Désormais il existe non pas un, mais des cancérologues : du poumon, du sein, du colon, etc. On peut même trouver aujourd'hui des cancérologues spécialistes de certains types de cancer du sein.  

On retrouve également cette spécialisation médicale dans le domaine de la technologie avec l'émergence de nouvelles expertises de plus en plus affinées dans le secteur de la donnée, des statistiques ou de l’intelligence artificielle...

Cette spécialisation qui, rappelons-le, est nécessaire et bénéfique pour l’avancée dans la profondeur des sujets, demande de nouvelles approches pour innover. En clair, on a besoin de créer des collaborations entre des acteurs qui viennent d’univers extrêmement différents, de décloisonner les disciplines. Il s'agit d'être capable à un certain niveau de profondeur de créer la transversalité entre des sujets très différents.  

Car il peut y avoir des convergences ! Je pense à ce projet de recherche entre un astrophysicien et un oncologue qui a établi qu'un algorithme utilisé dans le domaine de l'astrophysique était capable d’apporter des solutions efficaces dans le domaine de l'analyse des scanners, imagerie médicale très employée dans le suivi des cancers.

La force de la communauté, aisément mobilisable par la force du digital et des outils numériques, et couplée à de bonnes méthodologies, peut permettre d’apporter cette transversalité nécessaire à une innovation radicale, là où il peut y en avoir besoin.

Comment utiliser la communauté pour favoriser l’innovation médicale ?

Avec un cadre propice, la communauté est un levier de temps et de performance, mais aussi un levier d'originalité.

La force brute de la communauté réside dans l’émulation générée par la recherche à plusieurs. Un exemple simple : pour Epidemium, nous avons compilé l’ensemble des données disponibles en open data à travers le monde concernant les facteurs environnementaux d’un cancer (pollution atmosphérique, surexposition au soleil, produits d’entretiens ménagers, pesticides…). Un chercheur seul aurait eu besoin de plusieurs des années là où nous avons mobilisé pendant 3 à 6 mois plus de 200 personnes, chacune travaillant sur un facteur de risque et un pays. A la fin, cette base de données sert à tout le monde.

Au-delà de la force du nombre, il y a des dynamiques itératives qui permettent la confrontation entre diverses expertises et points de vue. Si je prends l’exemple d’echOpen, c’est un projet pour lequel nous avons mobilisé une communauté composée de chercheurs, d’ingénieurs, de médecins, mais aussi de patients. C’est de ce mélange et dans la pluralité des regards que de nouvelles perspectives apparaissent. Ainsi, lors d’une phase de création d’echOpen, nous avons été bloqués par le coût de certains composants. Pour les ingénieurs experts, nous devions faire appel à des technologies qui, pour être fiables, étaient nécessairement très coûteuses. Le problème a pu être résolu par l’intervention d’une jeune ingénieure qui a trouvé une alternative au matériau problématique : « Si on utilisait tel composant dont on se sert à l’université ? C’est solide, peu coûteux, et en faisant telle modification ça pourrait marcher… » La communauté, parce qu’elle ouvre la conception à des regards moins experts qui envisagent les choses d’une manière différente, peut apporter des solutions réellement innovantes à faible coût.

Quelle est la place du patient dans ces communautés dédiées à l’innovation ?  

Elle est centrale. Nous voulons être accessibles, que ce soit en termes de soin, d’usage et de coût. Nous voulons et nous devons inclure les patients et des personnels de santé dans notre réflexion. Bien qu’ils soient la plupart du temps dans une position passive – on leur fournit des outils qu'ils utilisent –, il convient d’être le plus proche possible de leurs usages pour être pertinent. En co-développant nos solutions, nous garantissons des cas d'usages pertinents et des fonctionnalités adaptées.

L’aspect plus concret de cette tendance réside dans le fait que la mobilisation de ces communautés se fait via les outils numériques.  On retrouve ainsi les tendances de l’empowerment du citoyen dans le domaine de la santé. Le patient devient ainsi partie prenante à plusieurs niveaux. Il peut collecter et partager de la donnée, élément central de la recherche. C’est ce que l’on nomme « patient as a sensor ». Mais il peut également effectuer des tâches simples et courtes dans le cadre d’un projet de recherche ou sur lui-même. Il devient alors force de travail, « patient as a provider ».

Enfin, on trouve le « patient as collaborator », un collaborateur à part entière des chercheurs qui avance avec eux depuis la définition d’une question de recherche jusqu’à la publication d’un article scientifique, ou la mise en œuvre d’un protocole.

Quelle sera la place du patient dans la santé de demain ?

Nous avons trop longtemps laissé le patient dans l’ignorance, dans une relation prescriptive avec son médecin. La possibilité offerte aux patients de se renseigner et de trouver de plus en plus d’informations avec le numérique a largement transformé cela. On parle désormais d’approches « patient centric » : qui mettent le patient au centre du dispositif.

Je ne suis pas tout à fait d'accord avec cette approche : pour moi, le patient ne doit pas être au centre, c’est-à-dire être simplement l’objet d’une étude. Il doit être aux côtés des professionnels de santé et des chercheurs. Ce qui doit être au centre selon moi, c’est la pathologie, la chronicité, l'environnement, etc.

Je pense que le patient doit donc être davantage intégré au processus décisionnaire. Il est à la fois un malade, « objet d’étude » des médecins et spécialistes, mais surtout, l’acteur de sa guérison ou de son bien-être quotidien. Il est aussi responsable des informations médicales qu’il partage avec la recherche… En bref, le patient est en train de devenir un véritable partenaire de l'ensemble de l'écosystème. Et ce de l’amont, le processus de recherche, la conception des processus, jusqu’à l’aval,  les soins des médecins.

C'est ainsi le patient qui va être à l'origine d'innovations qui lui sont destinées. C’est le cas par exemple de communautés de patients souffrant de maladies rares qui se coordonnent à l’échelle planétaire pour faire avancer la recherche sur leurs pathologies. Ce sont aussi les différents aspects de l’engagement du patient dans la recherche : partage de la donnée, mettre en place des actions simples du patient sur lui-même (prise de sang, autotests), voir collaborer…

Autonomisation du patient, place des communautés dans la recherche et les soins, qu’est-ce que cela vous fait présager pour la santé de demain ?

Pour moi, nous sommes aux balbutiements d’une nouvelle ère de la santé. Le travail que nous avons réalisé sur echOpen avec la conception de matériel médical de pointe utilisable en mobilité en est le prélude. La santé sera distribuée géographiquement et entre différents acteurs. Elle sera à la maison comme à l'hôpital. On le voit d’ailleurs dès aujourd’hui : il existe de plus en plus de solutions autonomes (diabète et insuline), ou de suivi à distance.

Les laboratoires d'analyses médicales ne seront plus des centres de prélèvement, mais d’analyse de données d'objets connectés médicaux. Les hôpitaux deviendront des hubs et l’on prescrira des objets connectés parallèlement aux traitements. Sera ainsi développée une continuité dans le soin, c’est-à-dire un suivi continu, indolore et quasiment invisible.

La Santé est un des chapitres du Trendbook AXA-foresight

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