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Peter GrossDirecteur de la Stratégie, MicroEnsure

14 mars 2018

Comment Mary, vendeuse de chaussures à Nairobi, a sauvé son activité après un incendie

Quand le marché de Gikomba à Nairobi a été touché par un gigantesque incendie fin 2017, des dizaines de commerçants ont perdu leurs marchandises, leur lieu de travail et leur source de revenus. Mary faisait partie des victimes. Rencontre.

Il est 11h. Dans le marché de Gikomba, commerçants et artisans s’affairent depuis plusieurs heures sous un soleil éclatant. Situé à l’ouest de Nairobi, ce marché est l’une des principales artères commerçantes de la capitale kenyane. Ses allées n’accueillent que peu de touristes : elles sont principalement fréquentées par des habitants, particuliers comme professionnels. Certains viennent y acquérir des matières premières vendues en vrac ou des fruits et des légumes récoltés dans la campagne avoisinante. D’autres y font leur choix parmi d’innombrables stands de mitumba. Ce terme swahili désigne des vêtements d’occasion vendus par lots, emballés dans des sacs de plastique multicolores.

A la rencontre de Mary

Mary accueille les clients à l’ombre de son stand, où sont exposées des paires de chaussures d’occasion. Comme chaque jour depuis 17 ans, elle a débuté son activité à 8 heures. Elle touche en moyenne 500 shillings kenyans par jour (environ 5 dollars), comme la plupart des vendeurs de ce secteur du marché. « Sur une bonne journée, je peux atteindre 1 000 shillings, mais il y a aussi des journées où je ne réalise aucune vente », détaille-t-elle.

Mary dans les allées du marché Gikomba
Le stand de Mary, ou elle vend des chaussures de seconde main

Mère d’un enfant en bas âge, Mary a des ambitions : déménager pour un logement plus grand, développer son activité, et pourquoi pas ouvrir un autre commerce. Mais à l’automne 2017, tout a failli basculer.

Dans la nuit du vendredi 6 octobre, un incendie se déclare à 3 heures du matin dans le marché, dévorant en quelques heures une large partie du secteur dédié au textile et détruisant des dizaines de milliers de dollars de marchandise.

« Tous mes collègues sur le marché ont été affectés par l’incendie », raconte Mary. Échoppes brûlées, marchandises parties en fumée : au total, ce sont plus de 300 personnes qui se trouvent alors, comme elle, dans l’incapacité de travailler.

Pour Mary et sa famille, la situation aurait pu être d’autant plus difficile que, pour financer son activité, elle avait contracté un microcrédit de 35 000 shillings (340 dollars) auprès de l’institut de micro-crédit Musoni. Mais ce contrat comportait une clause de micro-assurance : la couverture Musoni Group Enhanced Credit Life. Conçue et distribuée par MicroEnsure, celle-ci couvre notamment les souscripteurs en cas de décès ou d’hospitalisation, mais aussi en cas d’incendie. Le montant du crédit de Mary a donc pu être intégralement remboursé. La commerçante a également touché 1 000 shillings quelques jours après le drame pour aider sa famille à faire face à cette perte de revenus à court terme.

MicroEnsure, dont AXA est l’actionnaire principal, est une société spécialisée dans le développement d’offres d’assurance inclusives pour les populations à bas et moyen revenus en Afrique et en Asie

« Une soixantaine de personnes bénéficiaient d’une telle assurance sur le marché. Nous les avons indemnisés à hauteur de 3,2 millions de shillings, soit 32 000 dollars », résume Kiereini Kirika, directeur régional pour l’Afrique de l’Est chez MicroEnsure.

Kenya : des millions de personnes à protéger

L’exemple de Mary est loin d’être un cas particulier au Kenya. Artisans, agriculteurs, commerçants… des millions de Kenyans sont exposés à des risques quotidiens qui menacent leur activité. En pesant sur leur stabilité financière, ces risques menacent la sécurité de leurs familles et la cohésion de leurs communautés.

Selon la Banque Mondiale, environ 40% de la population du Kenya vit sous le seuil international de pauvreté de 1,90 dollar par jour. Comme dans d’autres pays d’Afrique, le secteur informel y occupe une place importante de l’économie. 61% de la population vit ainsi de métiers irréguliers.

Le Kenya est un pays représentatif de la population des emerging customers. Touchant des revenus trop élevés pour bénéficier de programmes d’aide, mais trop faibles pour être à l’abri de la précarité en cas d’incident, ce segment de la population situé entre le seuil de pauvreté et la classe moyenne constitue le milieu de la pyramide sociale.  En raison notamment de revenus pouvant fluctuer fortement d’un mois à l’autre, il leur est souvent impossible financièrement d’accéder aux produits d’assurance traditionnels pour se prémunir contre les risques, et notamment les chocs économiques auxquels ils sont fortement exposés. 

 « La plupart de nos clients sont des femmes », explique Ronnie Gichuki, de MicroEnsure Innovation Lab, le hub d’innovation interne de MicroEnsure dont la mission est de tester de nouvelles offres et canaux de distribution. « Un grand nombre d’entre elles ont une famille à nourrir, et gagnent entre 200 et 300 shillings kenyans par jour. Elles sont souvent à la tête d’un petit commerce. »

La couverture de santé pour tous constitue l’un des engagements d’Uhuru Kenyatta, président du Kenya investi pour un second mandat présidentiel en novembre 2017. Aujourd’hui, les besoins des emerging customers en matière d’assurance sont réels dans le pays. Le Kenya montre d’ailleurs des signes prometteurs en matière d’assurance d’emerging customers : 5,98% de la population est couverte par des organismes tels que MicroEnsure. Si ce chiffre présente une forte marge de progression, il s’agit de l’un des taux de pénétration les plus importants d’Afrique de l’Est. Et ces assurances connaissent une croissance forte au sein de la population.

L’une des raisons du succès tient à la spécificité des offres, qui ne doit rien au hasard : leur conception prend sa source sur le terrain. Elle est le fruit d’un long travail visant à identifier les besoins des emerging customers et à trouver la façon la plus efficace d’y répondre en se basant sur leurs habitudes. Ce procédé d’innovation centré sur l’observation des usages des utilisateurs porte un nom : le design thinking. Né à la d.school de Stanford, il vise à cerner au mieux les besoins du client final pour optimiser son expérience, et donc sa capacité à adopter le produit.

« Les produits d’assurance sont parfois conçus dans des bureaux à l’aide de tableurs », explique Peter Gross, directeur de la stratégie de MicroEnsure. « Ce n’est pas le cas chez nous. Le design thinking n’est pas un projet annexe pour nous. Nous le plaçons au cœur de notre démarche. »

Les focus groups, auxquels sont conviés des individus représentatifs du segment client visé, sont une étape essentielle pour identifier leurs demandes. Ceux-ci interviennent dans les premières étapes de conception des offres, et permettent aux équipes de les créer sur des besoins réels, plutôt que sur des projections.

Ce dynamisme ne s’explique pas seulement par la réponse que constituent ces solutions d’assurance aux besoins des emerging customers. Il est aussi rendu possible par la présence dans le pays d’entreprises innovantes qui ont permis l’émergence de nouvelles solutions.

Comme la plupart de ses collègues sur le marché, Mary a toujours son téléphone portable sur elle, ce qui lui permet d’envoyer ou de recevoir de l’argent à sa guise. C’est M-Pesa, le géant du transfert d’argent de mobile à mobile, qui a ouvert la voie à de nombreux services financiers destinés aux particuliers. Née au Kenya en 2007, cette solution s’est répandue en dix ans à travers toute l’Afrique. L’utilisation du téléphone mobile comme moyen de recevoir de l’argent est un vecteur idéal pour indemniser les emerging customers en cas de sinistre.

Au plus proche des Emerging Customers

Si les solutions d’assurance se développent au Kenya, c’est aussi et surtout le fruit d’un travail de fond pour toucher des clients potentiels. Celui-ci se fonde sur les relations nouées entre MicroEnsure avec des partenaires locaux : Musoni dans le domaine de la microfinance, Airtel dans la téléphonie mobile… Ancrés dans le tissu économique depuis des années, ils ont une connaissance fine des enjeux des populations locales et permettent de multiplier les points de rencontre avec les assurés potentiels. Des solutions d’assurance sont ainsi être proposées conjointement à la souscription d’un micro-crédit, comme pour Mary, ou d’un forfait téléphonique.

La relation humaine avec les clients au quotidien est l’autre ingrédient essentiel du succès de la protection des emerging customers.

Gladys Wangari fait partie des équipes de MicroEnsure qui font chaque jour le tour des marchés de Nairobi pour rencontrer des clients potentiels. Le travail de pédagogie qu’elle effectue est inestimable pour sensibiliser les emerging customers à la façon dont l’assurance peut les prémunir contre les risques. « Je rencontre 50 clients par jour », explique-t-elle. « Je dois leur expliquer ce qu’est une assurance. Beaucoup d’entre eux ne savent pas en quoi cela consiste, ni pourquoi il est important d’être assuré. »

A Nairobi, la journée de travail de Mary touche à sa fin. En traversant les allées du marché pour rejoindre le matatu (navettes privées qui assurent le réseau de bus de la ville) qui la ramènera dans son quartier, Mary salue ses collègues, qui lui répondent en souriant. Dans ce pays où les solutions d’assurance informelle demeurent largement répandues, c’est sur leur soutien, et sur celui de ses proches, qu’elle aurait dû compter si elle n’avait pas été assurée.

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