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Gerard KilleenCHAIRE AXA D'ÉCOLOGIE APPLIQUÉE AUX AGENTS PATHOGÈNES, UNIVERSITÉ DE CORK, IRLANDE

22 mai 2020

Pourquoi notre santé dépend-elle de la biodiversité ?

Le lien entre changement climatique et biodiversité est assez bien établi. Mais la relation entre perte de biodiversité et santé – notamment à travers l'émergence de nouveaux agents pathogènes - est souvent négligée. La pandémie de Covid-19 a permis de mettre l'accent sur cette relation alors que nous cherchons l'origine de cette crise et que nous nous préparons à en affronter d'autres.

Avec l'intensification du changement climatique et de la perte de biodiversité, les pandémies seront plus fréquentes

Depuis 1970, la population mondiale a doublé. Les impacts sur le climat et les écosystèmes de la terre, que les humains partagent avec d'autres espèces ainsi que les agents pathogènes régulateurs de la population, sont indéniables. Alors que nous détruisons des habitats pour répondre à la croissance de la population humaine, nos contacts avec la faune sauvage - et ses agents pathogènes - augmentent également. Cela signifie-t-il qu'il y aura d'autres pandémies à l'avenir ?  Selon le professeur Killeen, « la réponse est oui, nous devons nous attendre à plus de pandémies ». Il s'empresse toutefois d'ajouter que « ce problème existe depuis un certain temps. » À titre d'exemple, il souligne l'émergence du VIH. « Le virus de l'immunodéficience simienne (VIS), version primate du VIH, infecte régulièrement des individus en Afrique centrale et orientale depuis des centaines d'années. Mais ce n'est que dans la seconde moitié du XXe siècle qu'il s'est réellement imposé comme une maladie humaine, par transmission interhumaine », ce qui a donné lieu à une série de flambées. Pour le professeur Killeen, le principal enseignement à tirer de cet exemple et d'autres exemples similaires est que « une fois que les choses commencent à se produire, elles vont se produire régulièrement. Ce sera le cas pour beaucoup de nouveaux agents pathogènes, comme le Covid-19. »

Cette crise est un signal d'alarme et une opportunité pour la solidarité mondiale

Pour de nombreuses personnes sur la planète, Covid-19 est leur première expérience d'une pandémie. Cependant, comme le fait remarquer le professeur Killeen, de telles pandémies ne sont pas nouvelles et « ont été le problème de quelqu'un d'autre jusqu'à présent. » Et bien que la portée mondiale de ce virus - qui, selon professeur Killeen, « nous a réellement tous concerné » - n'ait pas été observée depuis un siècle, plusieurs épidémies pathogènes se sont produites au cours de la dernière décennie, notamment le SRAS1, le MERS et le virus Ebola. Toutes sont devenues des pandémies mondiales après avoir été endiguées au niveau régional. Une pandémie de cette ampleur, dit-il, « remet en question notre humanité et la façon dont nous percevons ce qui est important. » Il est important de régler les problèmes nationaux maintenant, « car nous avons un défi mondial à relever. » La solidarité internationale est encore plus difficile lorsqu'il faut fermer les frontières, mais pour y parvenir, il faut une coopération mondiale. Et ce n'est pas tout. « Nous devons préserver la biodiversité de manière à minimiser le risque d'apparition de nouveaux agents pathogènes chez l'homme. Nous devons adapter les mesures de quarantaine aux maladies humaines. Nous devons contrôler les agents pathogènes humains aux frontières, et nous devons être particulièrement attentifs aux espèces envahissantes. » Pour beaucoup d'entre nous, c'est un signal d'alarme pour un problème qui « couve depuis longtemps. »

Ce que nous pouvons apprendre des pays émergents

Travaillant en Tanzanie et dans d'autres régions africaines, le professeur Killeen a appris « la valeur de simplement ne pas baisser les bras. » Dans le cadre de programmes nationaux de lutte contre le paludisme et le VIH en Afrique, des populations entières se sont mobilisées pour contenir des épidémies mortelles, dont le choléra. Comme le rappelle le professeur Killeen, l'épidémie de choléra a impliqué « la fermeture de tous les restaurants et des points de vente de nourriture informelle ainsi que l'interdiction de servir de la nourriture à l'extérieur. » Il affirme que les Nigérians « ont sauvé le monde du virus Ebola en 2014, lorsqu'ils ont retrouvé la trace de plus de 500 personnes à travers Lagos, une immense métropole et plaque tournante des voyages. » Y a-t-il une leçon à en tirer ? « Toutes sortes de choses sont possibles. Il est facile de voir le verre à moitié vide, mais nous devons vraiment nous concentrer sur la moitié pleine et regarder toutes les grandes réussites en matière de santé publique. » Il y en a beaucoup, en particulier dans certains des pays les plus pauvres, où les gens sont habitués aux difficultés et aux situations d'urgence. « Disons-le ainsi », dit le professeur Killeen. « Ce n'est pas mon premier confinement, mais c'est de loin le plus confortable. Il y a beaucoup à apprendre, en particulier des pays à faibles et moyens revenus. »

En quoi cette pandémie diffère des autres et pourquoi un confinement mondial était nécessaire

​Le professeur Killeen a mis de côté ses travaux sur le paludisme pour se concentrer sur la modélisation de la transmission des agents pathogènes par les coronavirus. Selon lui, de nombreux défis liés aux coronavirus ressemblent à ceux rencontrés dans le domaine du paludisme. D'une part, « beaucoup de personnes atteintes de la maladie ne le savent pas ou alors la maladie est suffisamment bénigne pour qu'elles la négligent. » Avec des épidémies comme Ebola, où les gens tombent très malades, la surveillance épidémiologique est efficace. Mais lorsque la plupart des cas sont bénins ou asymptomatiques, « ils ont tendance à ne pas être détectés et même si vous mettez en place un système de surveillance très actif, ces symptômes bénins se chevauchent avec d'autres agents pathogènes très courants. » En raison de la nature variable et non spécifique de cette pathologie, le dépistage des seuls cas symptomatiques signifie que « vous devez essentiellement tester tout le monde avec n'importe quel symptôme de n'importe quoi. » Par conséquent, la batterie habituelle d'interventions - dépistage, traitement, recherche des contacts - n'est pas efficace et, comme pour le paludisme, « les approches que nous adoptons doivent être préventives, présomptives et préemptives. Nous devons arrêter l'épidémie avant qu'elle ne commence et nous occuper des foyers de contagion avant qu'ils ne se développent. » C'est pourquoi un confinement mondial était nécessaire : « Si vous ne pouvez pas dire qui est infecté, vous devez demander à tout le monde de se protéger et de protéger les gens autour d'eux, de la même manière que nous demandons à tout le monde d'utiliser une moustiquaire pour se protéger et protéger ses voisins contre le paludisme. » En fin de compte, cela signifie qu'il faut s'adapter à une nouvelle normalité : ne pas aller faire les courses même si on se sent bien, ne pas se frotter les yeux, etc. - ce qui représente un défi conceptuel mais permet aussi de sauver des vies.

Marie Bogataj

Directeur du Fonds AXA pour la Recherche et de la Prospective Groupe

En réponse à une crise sanitaire mondiale sans précédent, le Fonds AXA pour la Recherche a créé un groupe de travail Covid-19 Task Force composé de 9 éminents directeurs de chaires de recherche d'AXA afin de fournir des informations qui peuvent éclairer la prise de décision et offrir des pistes viables pour l'atténuation. Le groupe de travail a partagé son expertise dans des domaines clés tels que la géopolitique, l'économie, les systèmes de santé et l'épidémiologie, à l'occasion d'un webinaire d'Experts.

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